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Publié par LDH49

Prix des médicaments : la France ne doit pas céder à la surenchère des Big Pharma

Tribune collective publiée sur l’Humanité  et signée par Nathalie Tehio, présidente de la LDH

Lire la tribune sur l’Humanité

Dans une tribune publiée le 23 avril dans le Financial Times, les PDG de Sanofi et Novartis appellent l’Union européenne à relever les prix des médicaments innovants. Pour justifier leur position, ils dénoncent le « déclin de la compétitivité bio pharmaceutique européenne », tout en vantant les politiques américaines, qu’ils présentent comme « propices à un accès large et rapide aux traitements ». Cette tribune s’inscrit dans le cadre d’une multiplication des actions de lobbying de l’industrie pharmaceutique à Bruxelles, alors que les négociations au Conseil de l’UE sur le « paquet pharmaceutique » (ou code européen du médicament) touchent à leur fin.

Derrière cette prise de position, ce ne sont pas les considérations de santé publique qui dominent, mais bien celles d’acteurs financiers, avant tout soucieux de défendre une certaine idée du rendement. En 2024, Sanofi a réalisé un bénéfice net de 5,7 milliards d’euros1. Novartis, de son côté, a enregistré un bénéfice net de 11,9 milliards de dollars2. Des montants qui, dans un contexte où les systèmes publics peinent à financer les soins essentiels, suffisent à démasquer l’imposture.

Ces profits, associés à des niveaux de rentabilité comparables à ceux de secteurs comme le luxe, sont aux antipodes de la prétendue crise de compétitivité de ces entreprises.

Aux Etats-Unis, le système de fixation des prix engendre de fortes inégalités d’accès aux traitements

En appelant à calquer les prix européens sur ceux pratiqués aux Etats-Unis, les deux dirigeants promeuvent une vision du médicament guidée moins par l’intérêt des patient-e-s que par les attentes des marchés financiers. Le système américain de fixation des prix est profondément injuste. En 2024, près de 30 % des adultes déclarent avoir renoncé à un traitement prescrit en raison de son coût3. Le coût élevé des médicaments entraîne aussi un endettement médical massif : une autre enquête de 2022 montrait que 41 % des adultes devaient rembourser une dette liée à des frais médicaux ou dentaires4. En outre, ce système, marqué par l’absence d’encadrement public des prix, contribue à fausser les négociations en Europe ou ailleurs dans le monde, en imposant des références tarifaires artificiellement élevées.

Se posant en permanence comme victimes des régulations, les firmes pharmaceutiques imposent l’opacité sur l’ensemble du cycle de vie des produits médicaux — coûts de recherche et développement, investissements publics massifs et prix sciemment dissimulés — et en profitent pour imposer des tarifs sans réelle justification.

Les menaces de Sanofi et Novartis procèdent d’une stratégie bien rodée : agiter le spectre du décrochage industriel européen pour obtenir des avantages supplémentaires. Ces industriels instrumentalisent la guerre commerciale lancée par Donald Trump pour faire pression sur l’Union européenne, ses Etats membres et ses habitants. Autrement dit, ces entreprises profitent sans scrupule d’une situation internationale inédite pour tenter de maximiser leurs profits.

Reprendre le pouvoir sur la politique du médicament : la santé n’est pas une marchandise

S’ils cèdent, les Etats européens perdront leur capacité à réguler le marché, à orienter des investissements vers les besoins de santé publique, et à garantir l’équité d’accès aux soins pour toutes et tous aujourd’hui et demain.

La France, qui joue un rôle clé dans les négociations européennes, doit faire entendre une voix forte. Elle doit défendre les mesures de transparence comme fondement d’une politique du médicament plus juste. Elle doit affirmer que la santé n’est pas une marchandise. Il est temps d’imposer la transparence comme préalable indispensable à toute politique publique de soutien au secteur pharmaceutique.

Nous appelons le gouvernement français et l’Union européenne à ne pas céder au chantage indécent de multinationales opportunistes. Face à la crise des systèmes de santé, les profits des grands laboratoires pharmaceutiques ne peuvent plus être la boussole de notre politique pharmaceutique. Notre santé, nos hôpitaux, nos solidarités requièrent un changement radical vis-à-vis de ces grands groupes.

Signataires :

Dominique Acker, animatrice santé du Conseil national de la nouvelle Résistance

Françoise Barré-Sinoussi, Prix Nobel de médecine 2008, présidente de Sidaction

Marilène Bombardieri, présidente de Santé Pays-Haut

François Bourdillon, Médecin de santé publique, ancien directeur général de Santé publique France

Serge Breysse, médecin de santé publique, directeur général de Solthis

Théau Brigand, sociologue, chercheur associé au Cermes3

Pascale Brudon, ancienne fonctionnaire internationale à l’Organisation mondiale de la santé

Gautier Centlivre, coordinateur du plaidoyer d’Action Santé Mondiale

Jean-François Corty, médecin, président de Médecins du Monde

Franck Desbordes, président d’Actions Traitements

Sophie Elorri, Présidente de la mutuelle MUTAMI

David Fiant, président de Vaincre la Mucoviscidose

Régine Fischer, vice-présidente de Santé Pays-Haut

André Grimaldi,  professeur honoraire de diabétologie, co-fondateur du Collectif Inter-Hôpitaux

Yann Huon de Kermadec, biochimiste, président et co-fondateur de  Open Insulin France

Gaëlle Krikorian, sociologue, membre du CA de Médecins du Monde

Louise Lassalle, chercheuse en biotechnologie, co-fondatrice de Open Insulin France

Nathalie Mesny, présidente de Renaloo

Olivier Milleron, cardiologue hospitalier, membre du Collectif Inter-Hôpitaux

Françoise Nay, médecin, co-animatrice du Tour de France pour la santé

Charles-Olivier Pons, pédopsychiatre, président de l’Union Syndicale de la Psychiatrie

Frank Prouhet, médecin, ancien co-animateur de la campagne pour la levée des brevets contre le Covid-19

Camille Spire, présidente de AIDES

Nathalie Tehio, avocate, présidente de la LDH

Florence Thune, directrice générale de Sidaction

Gérard Raymond, président de France Assos Santé

Marie Amandine Stevenin, présidente de l’UFC-Que Choisir

 

Jean-Paul Vernant, professeur émérite d’hématologie, vice-président de la Ligue contre le cancer

 

Sanofi, Press Release: Q4 sales growth of 10.3%, 2024 business EPS guidance exceeded, and strong business EPS rebound expected in 2025, disponible en ligne : https://www.sanofi.com/en/media-room/press-releases/2025/2025-01-30-06-30-00-3017713 

Novartis, 2024 Annual Report – Interim Financial Results Q4/Full Year, disponible en ligne : https://www.novartis.com/sites/novartis_com/files/2025-01-interim-financial-report-en.pdf 

Enquête menée du 26 août au 4 septembre 2024 auprès d’un échantillon national représentatif de 1 312 adultes américains KFF, Public Opinion on Prescription Drugs and Their Prices https://www.kff.org/other/poll-finding/public-opinion-on-prescription-drugs-and-their-prices/ ; KFF Health Tracking Poll (Aug. 26-Sept. 4, 2024) https://www.kff.org/medicare/poll-finding/kff-health-tracking-poll-september-2024-support-for-reducing-prescription-drug-prices-remains-high/

KFF (Kaiser Family Foundation), Americans’Challenges with Health Care Costs, enquête 2022. https://www.kff.org/health-costs/issue-brief/americans-challenges-with-health-care-costs

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