Bienvenue en Anjou aux migrants de Calais – Nos réflexions
Ce vendredi 14 octobre Mme Béatrice Abolivier, préfète, et M Philippe Bradfer, directeur de la DDCS ont annoncé l’ouverture de 140 nouvelles places en Maine et Loire pour l’accueil des migrants de Calais, c’est une avancée que nous saluons et qui suscite quelques réflexions.
Les faits
Les nouvelles places ne sont pas ouvertes en CADA (centre d’accueil de des demandeurs d’asile) mais en CAO (Centre d’accueil et d’orientation). Les premiers sont des hébergements permettant à des demandeurs d’asile d’être hébergés jusqu’à la décision d’attribution ou non d’un titre de réfugié. Ils ont une certaine pérennité. Les seconds sont des sas d’orientation qui permettent une évaluation administrative et sanitaire pour une orientation vers d’autres modalités de prise en charge. Ils sont transitoires.
Au CAO existant à Avrillé (30 places) dans l’ancien institut de formation des professeurs du privé vont s’ajouter quatre nouveaux centres :
- Segré (40 places) dans un ancien bâtiment hospitalier. Il sera géré par l’Abri de la Providence.
- Angers (40 places) dans les locaux de l’AFPA. Il sera géré par France Terre d’Asile.
- Doué (40 places) dans les locaux de l’AFPA. Il sera géré par l’ASEA.
- Saumur (20 places) dans des appartements gérés par l’ASEA.
Ce sont donc bien 170 places de CAO ouvertes en Maine et Loire. Mais dans chaque CAO, il y aura un flux. Dans les 30 places déjà ouvertes à Avrillé sont passés 81 réfugiés dont les orientations sont très diverses : 1/3 est reparti sans affectation, d’autres sont en CADA, 3 seulement ont pu bénéficier d’un regroupement familial en Grande Bretagne.
Enfin ces CAO sont transitoires. Les conventions sont signées jusqu’en Avril 2017.
Nos réflexions
D’abord une réelle satisfaction
Ouvrir de tels centres pour évaluer était une nécessité pour les migrants de Calais, vivant dans des conditions indignes. La préfecture de Maine et Loire répond à la demande du ministre de l’Intérieur, c’est une bonne nouvelle. Nous souhaitons la bienvenue sur notre département à ceux qui y arriveront à partir de début novembre. De nombreux exemples dans des villes de France ont montré que les populations, parfois réticentes au départ, se montraient accueillantes dans la durée. L’exemple de Boën-sur-Lignon (voir notre article) l’illustre bien.
Nous demandons régulièrement la réquisition de logements vides [Voir nos articles où l’on évoque cette possibilité de réquisition : ici et là]. Nous voyons que c’est aujourd’hui possible quand on veut s’en donner les moyens. La récupération du bâtiment hospitalier de Segré est de fait une ‘réquisition’.
Des craintes
Le gouvernement pensait pouvoir se prévaloir du soutien des associations pour démanteler le bidonville de Calais. Ce n’est plus le cas aujourd’hui compte tenu des conditions dans lesquelles cela est prévu sur place [voir notre article].
Retenons quelques points évoqués dans l’article :
- L’opération qui se profile risque d’être plus une opération policière qu’humanitaire : certes, les réfugiés sont conduits vers des centres d’hébergement, mais pourquoi recourir à tant de forces de l’ordre : en plus des 2 000 policiers déjà en place, 6 000 autres seraient attendus ?
- On peut raisonnablement craindre qu’un certain nombre de migrants qui veulent passer en Grande Bretagne quitte rapidement ces CAO pour retourner sur les rives de la mer du Nord. Le dispositif est conçu pour ceux qui veulent rester en France, soit une minorité, pas pour ceux qui sont en transit.
- Le gouvernement veut aller vite : c’est une erreur. Il aurait fallu organiser les choses de manière beaucoup plus progressive.
- Comment l’État compte-t-il assurer la continuité dans la prise en charge des migrants ? Rien n’est réellement prévu. Où va-t-on orienter ces migrants si de nouvelles places en CADA ne sont pas prévue ? On repousse le problème jusqu’aux élections ?
Quid des migrants locaux qui ne sont pas passés par Calais ?
En Maine et Loire, nous rencontrons des familles de migrants en grande détresse qui comme à Calais attendent des solutions d’hébergement.
Un exemple concret parmi d’autres : une famille syrienne arrivée en France en Juin 2016 demande l’asile. Elle est constituée de 4 personnes adultes : des parents âgés et deux enfants dont une femme de 30 ans très très gravement handicapée. Comme une majorité de syriens dans leur cas, nous savons que tôt ou tard, ils obtiendront le statut de réfugiés. Depuis 4 mois qu’ils sont en France, ils n’ont pas eu de prise en charge dans un hébergement ! Nous avons interpelé l’OFII (Office Français de l’Immigration et de l’Intégration). Réponse reçue le 14/10 : « Nous connaissons bien la situation de la famille et sommes actuellement en recherche active d’une solution d’hébergement pour eux ». Cette famille qui n’est pas passée par Calais n’est toujours pas hébergée faute de places suffisantes en CADA.
Ceci n’est qu’un exemple. Il y en a bien d’autres qui attendent depuis plus longtemps encore.