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Publié par LDH49

Le Conseil des droits de l’Homme de l’ONU devrait réagir d’urgence aux incidences mondiales de décès, de torture et d’autres graves violations des droits humains aux frontières internationales

Lettre collective aux Etats membres et observateurs du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies

19 Juin 2023

Excellences,

Nous soussignés groupes et organisations de la société civile souhaitons exprimer ici notre profonde préoccupation face aux politiques et pratiques de gouvernance des migrations qui entraînent des décès, des actes de torture et d’autres graves violations des droits humains aux frontières internationales et leurs alentours, et demander au Conseil des droits de l’Homme de prendre les mesures appropriées en établissant un mécanisme de surveillance international indépendant en vue d’enquêter sur ces violations, notamment les causes profondes des violations dans la gouvernance de la migration internationale, et de contribuer à la responsabilisation et à la réparation pour les victimes et leurs familles.

Le Projet Migrants Disparus a enregistré 55 980 décès signalés de personnes migrantes dans le monde de 2014 à mai 2023. Ce nombre est largement considéré comme une sous-estimation importante. Dans certaines régions, les décès de migrants ont atteint des records. Souvent, ces décès ne font pas l’objet d’une véritable enquête.

Le Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’Homme des migrants a exprimé à plusieurs reprises de sérieuses inquiétudes concernant les tactiques abusives et violentes de gouvernance aux frontières, qui comprennent des mesures d’état d’urgence, la légitimation des pratiques de refoulement et de retrait par l’introduction de lois et de décrets exécutifs gouvernementaux, des opérations de recherche et de sauvetage inadéquates dirigées par les États, ainsi que des obstacles imposés aux opérateurs de recherche et de sauvetage non étatiques.

Comme l’a en outre noté l’ancien Rapporteur spécial de l’ONU sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, bon nombre des politiques migratoires qui contribuent aux décès et à d’autres violations graves des droits des réfugiés et des migrants affectent de manière disproportionnée des personnes de certaines origines nationales, ethniques, raciales et groupes religieux. Dans de nombreux cas, ces politiques impliquent, ou sont fondées sur, un racisme structurel.

Les pratiques généralisées d’externalisation des contrôles migratoires par des pays majoritairement riches, qui cherchent à faire pression et à s’associer avec les pays d’origine et de transit pour empêcher les migrants et les demandeurs d’asile de quitter leur territoire et d’atteindre leurs frontières, contribuent également de manière significative aux décès, à la torture et à d’autres graves violations, en particulier à l’encontre d’individus/personnes de certaines origines nationales, ethnies, races ou religions, entravant leur droit de partir et de demander l’asile par des voies sûres et contraignant les personnes à des voyages dangereux.

Le rapport du Rapporteur spécial sur les droits humains des migrants sur l’impact en matière de droits humains des renvois de migrants sur terre et en mer (A/HRC/47/30) documente un modèle mondial profondément préoccupant de violations courantes des droits humains aux frontières internationales, concluant :

– La pratique des mesures de renvoi est très répandue et peut être observée sur la plupart des itinéraires de migration. Les mesures de renvoi sont la manifestation de préjugés bien ancrés à l’égard des migrants et témoignent d’un déni par les États de leurs obligations internationales de protéger les droits humains des migrants aux frontières internationales.[1]

L’ampleur des préoccupations et l’aggravation de la situation à la suite de ce rapport ont conduit le Rapporteur spécial à présenter un rapport de suivi sur les violations des droits de l’Homme aux frontières internationales : tendances, prévention et responsabilité (A/HRC/50/31), dans lequel il conclut :

– […] que les renvois constituent toujours de fait une politique générale dans beaucoup d’Etats et continuent d’entraver sérieusement la jouissance des droits de l’Homme des migrants franchissant les frontières internationales. On ne connaît souvent pas tout l’éventail des violations ainsi commises car les Etats cherchent à nier ou à occulter les allégations d’exactions.[2]

Les deux rapports font écho au schéma des violations des droits humains aux frontières internationales sur lesquelles les précédents Hauts-Commissaires ont attiré à plusieurs reprises l’attention du Conseil des droits de l’Homme. En septembre 2019, le Haut-commissaire de l’époque a utilisé l’expression « mépris mortel » pour décrire l’utilisation de politiques et de pratiques qui mettent systématiquement en danger la vie et le bien-être des personnes, y compris des enfants. Le travail du Rapporteur spécial, du Haut-commissaire et de leur bureau, ainsi que de nombreuses organisations et groupes de la société civile soussignés, montre que ce schéma de violations et d’abus ne se limite pas à un corridor ou à une région.

La nature grave, systématique et généralisée des violations et des atteintes aux droits humains aux frontières internationales et aux alentours a été signalée au Conseil des droits de l’Homme à plusieurs reprises dans les rapports du Rapporteur spécial et a incité plusieurs autres procédures spéciales à axer leurs rapports sur la migration, notamment le Rapporteur spécial sur la torture, le Rapporteur spécial sur les défenseurs des droits de l’Homme (deux fois), l’ expert indépendant sur les droits de l’Homme et la solidarité internationale, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, et le groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires. Malgré cela, de graves violations des droits humains se poursuivent sans relâche et en toute impunité.

Le Conseil des droits de l’Homme a reconnu les orientations du Haut-commissariat aux droits de l’Homme, notamment les principes et directives recommandés sur les droits de l’Homme aux frontières internationales et les principes et directives relatifs aux droits de l’Homme des migrants en situation de vulnérabilité. Le Conseil des droits de l’Homme a adopté une déclaration du président du Conseil sur la protection des droits de l’Homme des migrants en mer (2014) et des résolutions sur les migrants en transit (2015), les migrants et réfugiés en déplacements massifs (2016) et les situations de vulnérabilité (2021). Le Conseil a également appelé les Etats à « faire en sorte que les auteurs de violations des droits de l’Homme aux frontières aient à répondre de leurs actes et que les victimes obtiennent réparation et d’adopter une approche fondée sur la justice raciale, notamment en adoptant des politiques visant à lutter contre le racisme structurel dans la gestion des flux migratoires internationaux » (2022).

Malgré cela, de graves violations des droits humains se poursuivent sans relâche et en toute impunité.

Une réponse nouvelle et plus forte s’appuyant sur les travaux du Rapporteur spécial et les complétant est nécessaire.

À la lumière de l’ampleur, de la gravité et de la nature mondiale de ce manque de respect, de protection et de réalisation des droits humains de toutes les personnes, quel que soit leur statut migratoire, nous appelons vos gouvernements à assurer une réponse appropriée du Conseil des droits de l’Homme en créant un mécanisme de surveillance international indépendant en vue d’entreprendre une enquête mondiale sur les décès, les disparitions forcées, la torture et les autres violations graves des droits humains subies par les personnes en transit à travers les frontières internationales, notamment à la suite de renvois et d’expulsions collectives, et afin de contribuer à la responsabilisation et à la réparation pour les victimes et leurs familles.

Ce mécanisme de surveillance indépendant contribuerait à la prévention de violations et à la l’obligation de rendre des comptes en rendant compte de ses conclusions et en fournissant des recommandations sur des mesures de suivi solides aux niveaux national, régional et international, notamment en s’attaquant aux causes profondes des violations et au rôle de la discrimination raciale dans la gestion des migrations internationales, afin d’assurer un recours aux victimes et de mettre fin à ces pratiques et au climat d’impunité entourant les graves violations des droits humains aux frontières et en transit.

Nous vous remercions de votre attention,

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