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Publié par C. Denis - LDH49

Alors que la proposition de loi « pour une sécurité globale préservant les libertés » a été adoptée en commission mixte paritaire le 29 mars dernier, nous vous proposons de revenir sur le fameux article 24, en attendant le nouveau vote des deux chambres du Parlement.  

 

 

« Encore plus grave que le précédent » pour Maître Arié Alimi, l’article 24, même sous sa nouvelle forme, fait parler de lui. D’un délit de diffusion malveillante d’images des forces de l’ordre, il s’agit désormais d’un « délit de provocation à l’identification des forces de sécurité intérieure, dans le but manifeste qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique ».    

 

Imprécis et flou, l’article 24 fait partie des dispositions s'empilant d'année en année et visant à protéger les forces de l’ordre. Avec un tel objectif poursuivi, le texte s’ingère considérablement avec la liberté d’expression et la liberté d’informer. En effet, la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo filmant des violences policières et permettant l’identification d’un policier entrainera-t-elle la poursuite du “diffuseur” sur ce fondement ? Les termes généraux du texte participent à la confusion la plus totale. 

  

Au vu de cet “empilement législatif” aux allures liberticides, la question est donc la suivante : ces nouvelles dispositions sont-elles nécessaires ? Il existe déjà une palette de dispositions protégeant les membres des forces de l’ordre :    

  • - L’article 222-12 du Code pénal sanctionne les violences volontaires dont ils peuvent être victimes ;  

  • - L’article 222-33-2-2 sanctionne le harcèlement moral sur eux par le biais d’un service de communication en ligne ;  

  • - L’article 226-1 garantit le respect à leur vie privée et familiale ;   

  • - L’article 433-3 sanctionne des menaces ou actes d’intimidation à leur égard ;  

  • - L’arrêté du 7 avril 2011 permet une sanction pénale en cas de révélation de l’identité de certains fonctionnaires et militaires ;  

  • - La loi de 1881 encadre la provocation à la commission d'un délit envers eux.  

  •  

Le 20 décembre 2020, le journal Le Monde recensait même les différentes lois adoptées depuis 25 ans pour “protéger ceux qui nous protègent” (voir sources).   

 

Mais alors, pourquoi protéger ceux qui nous protègent lorsqu’ils sont déjà si bien protégés ? Quid de ceux qui subissent des violences policières ? Quid de ceux qui nous informent de celles-ci ? Faut-il encore le rappeler, le classement de la France en matière de la protection de la presse en 2020 est bas (trop pour le pays des droits de l’Homme...) : 34ème (voir sources).  

 

La réécriture du texte par le Sénat n’a d’ailleurs pas convaincu Reporters Sans Frontières qui regrette l'inscription du délit au sein du Code pénal et son retrait de la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881. En effet, cette dernière prévoit un régime et des règles de poursuite spécifiques aux infractions de presse.   

 

Nous nous alarmons donc de la création d’un nouveau délit, au sein du Code pénal, qui est imprécis et qui tend toujours et encore à préserver l’action des forces de l’ordre au détriment de ceux qui souhaitent informer des dérives potentielles de cette action. Sa réécriture, dangereuse, ne semble pas protéger davantage la liberté de la presse et soumet celle-ci au droit pénal commun.   

 

Pour la Cour européenne des droits de l’homme, toute restriction à la liberté d’expression, dont la liberté d’informer fait partie, doit être “nécessaire dans une société démocratique : au nom de la démocratie, alors, l’article 24 est une restriction grave et non justifiée.   

 

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