Au pied du mur : Alain Régnier, nouveau préfet aux réfugiés

Alain Régnier a été nommé « délégué interministériel à l’accueil et l’intégration des réfugiés ». Il « sera chargé de coordonner l’arrivée en France des réinstallés et d’organiser cet accueil dans de bonnes conditions. Il coordonnera l’entrée des réfugiés dans le logement. Cela suppose de mobiliser, dans les territoires, davantage de logements vacants, y compris auprès de bailleurs privés. Les préfets et les opérateurs associatifs seront mobilisés dans ce but ».
C’est plutôt une bonne nouvelle quand on connaît le passé de cet homme. Comment ce qu’il a défendu dans le passé pourra s’accorder avec la politique du ministre de l’Intérieur ? Il va être confronté au projet de loi sur l'immigration. Quelles réponses pourra-t-il apporter aux États Généraux des Migrations lancés les associations ? Le contour de sa mission intègre-t-il le logement des demandeurs d'asile ?
Il est au pied du mur. La LDH reste vigilante.
Yves Faucoup a fait paraître un billet ce jour dans Médiapart sur sa nomination
![]() Le préfet Alain Régnier a été nommé hier délégué interministériel à l'intégration des réfugiés. Acte fort s'il en est car ce préfet est connu pour ses compétences administratives mais aussi pour ses positions humaines quant aux questions qu'il a eu à traiter comme l'hébergement des sans-abri, des campements Roms. Nommé par Nicolas Sarkozy délégué interministériel à l'hébergement et à l'accès au logement (Dihal), surnommé "le préfet des Roms", il a démissionné sous Manuel Valls, ce dernier ne lui donnant pas les moyens de fonctionner. Le site de la Dihal rapportait alors des propos qu'il avait tenus à l'Assemblée nationale pour justifier une politique patiente qui se refuse à être bulldozer : "J’espère que cette politique des petits pas sera reconnue comme une politique publique apportant des réponses concrètes puisque notre rôle n’a de sens que pour les personnes qui se trouvent dans les situations les plus fragiles." Lors d'un colloque organisé à Toulouse le 14 novembre 2013 par Le Journal de l'Action Sociale (le JAS, actuel Journal des Acteurs Sociaux) intitulé "l’Hébergement-Logement, une dualité à l’épreuve de la réalité" (en collaboration avec Edenred, l'ODAS et la Dihal), Alain Régnier avait pris la parole à la fin du colloque. Après diverses interventions d’acteurs de terrain ou d’élus locaux sur ces questions liées aux SDF, à l’habitat insalubre, aux gens du voyages, aux Roms, Alain Régnier s’était plaint d’un Parlement qui avait refusé de voter le principe de réserves foncières voulues par Cécile Duflot, alors ministre du logement, et qui auraient favorisé la construction de logements sociaux. Bien avant le débat sur la réforme territoriale, il confiait sa préférence pour des intercommunalités élues au suffrage universel, regrettant que dans le système actuel chaque commune ait la maîtrise du foncier et de la construction de logement, n’hésitant pas à qualifier cette dispersion de véritable « métastase ». Il avait soulevé le grave problème des biens vacants : une dizaine de millions en France. Il faisait partie de ceux qui avaient proposé qu’au bout de cinq ans d’abandon, l’État s’accapare le bien, le rénove et le loue. Si l’héritier réapparaît, il retrouve sa propriété et indemnise l’État. Il déplorait l’opposition du Ministère de la Justice à une telle mesure. Il proposait que l’État impose au niveau national cette règle instaurée à Saint-Ouen : le permis de construire est refusé si le coût, au terme de la réalisation du projet, abouti à un prix au m² supérieur à 3000 €. Il avait alors utilisé des mots sévères pour qualifier la France "pays de féodaux, d’une très grande rigidité". Il avait tenu à glorifier le président d’un conseil général qui avait su résister à la pression d’habitants d’un quartier qui souhaitaient pouvoir choisir les locataires admis à habiter un nouvel immeuble. Se refaire confiance Enfin, en ce qui concerne un aspect important de sa mission, il s’était insurgé contre l’instrumentalisation de la question Rom : "16 000 personnes [Roms] mettent à feu et à sang un pays de 66 millions d’habitants. On voit des voleurs partout." Il avouait que sans cesse on lui opposait : "Comment peut-on s’occuper de ces gens-là ?", et en appelait à la nécessité de "se refaire confiance". Au début de son intervention, il avait été interpellé par un militant du DAL (Droit au Logement) de Toulouse qui lui reprochait d’avoir travaillé pour l’ancien pouvoir. Lui dont le parcours atteste d’un intérêt certain pour les questions sociales et qui bénéficiait d’une certaine estime de la part des associations, avait répondu, manifestement ému, qu’il ne supportait pas ce genre d’accusation. Et de révéler qu’il venait de recevoir "une lettre menaçant de le passer en jugement lorsqu’ils auront pris le pouvoir pour ce qu’il fait pour les gens sans logis". Finalement, il n’avait pas fallu attendre l’arrivée au pouvoir de cette droite extrême pour le renvoyer dans ses foyers. Manuel Valls l’y a poussé, n’ignorant rien de son aversion face au rythme des expulsions de campements qui ne réglaient rien, et ne lui accordant pas de réels moyens pour favoriser l’hébergement et le logement des sans-abri. J'ai rendu compte de cette démission et de l'action qu'il avait menée dans un billet sur Mediapart en juillet 2014. Sur Lyon, où il avait été en fonction auparavant, il avait été particulièrement apprécié par les associations. Jean-Paul l'a connu lorsqu'il était préfet délégué à l'égalité des chances et atteste qu'il fut "un grand préfet". A Toulouse, Annabelle, professionnelle et militante engagée dans la défense des sans-abri, rappelle qu'à l'époque de Goudouli [maison pour les sans-abri, voir mon billet du 23 janvier qui y fait allusion] "nous l'avions rencontré, il organisait au sein de la Dihal des rencontres avec les 115 de France, sur ses conseils nous avions créé une coordination nationale, la CNAPUS (la coordination nationale des professionnels de l'urgence sociale). Un vrai engagement auprès des personnes dans la précarité." À Grenoble, David me précise qu’"il a défendu La Place, une structure d'hébergement qui à Grenoble accueillaient les personnes sans-abri exclus des autres structures et dispositifs, parce qu'il s'est toujours montré hyper disponible, accessible, prompte à donner aux usager-es la place qui doit leur revenir : acteurs voire auteurs des politiques publiques qui les concernent." Depuis sa mise à l'écart, il s'est beaucoup engagé dans le monde associatif (membre et président de plusieurs associations) et connait parfaitement le secteur de l'exclusion, des sans-abri, du logement social, des réfugiés. Suite à mon article qui évoquait sa démission, j'ai été en contact épisodiquement avec lui, encore ces tout derniers jours. Il avait pris connaissance de plusieurs textes publiés sur ce blog ces dernières semaines sur les sans-papiers et les sans-abri (à Toulouse, à Besançon, à Saint-Étienne/Firminy). La semaine dernière encore, je l'interrogeais sur cette question de non-droit : celle des déboutés qui ne peuvent être expulsés. Je savais que sa nomination était en balance et il y a fort à parier que, bien que rattaché à Gérard Collomb, ministre de l'intérieur, la décision relève précisément d'Emmanuel Macron qui, malgré ses positions par ailleurs, sait très bien qui il nomme à un tel poste. Bien évidemment, il est difficile d'anticiper sur ce que seront ses marges de manœuvre. Il va être confronté sans attendre au projet de loi sur l'immigration et, en face, aux États Généraux des Migrations lancés par la quasi-totalité des associations qui œuvrent dans ce secteur. Wait and see. Billet sur mon blog le 15 juillet 2014 : Le délégué des sans-abri poussé à la démission. J'ai repris dans le présent billet plusieurs éléments publiés alors. Voir l’interview qu’Alain Régnier avait accordée en avril 2013 à Caroline Fouteau de Mediapart : Les évacuations de camps cassent les processus d'intégration des Roms. |