Vidéosurveillance à Angers - Une réponse visible mais inefficace face à la sécurité
Tribune
La vidéosurveillance s’impose peu à peu sur l’ensemble de la ville d’Angers. Christophe Béchu s’y était engagé durant sa campagne. Mais quelle est l’efficacité réelle de ce dispositif ?
Les premières caméras de vidéosurveillance ont été livrées fin 2015 à l’occasion du marché de Noël. Depuis, elles se sont déployées un peu partout dans les quartiers angevins. On en compte pas moins de 82 aujourd’hui. A raison de 10 000€ par caméra installée, cela représente un coût d’investissement de 820 000 €, sans compter le prix de l’aménagement du centre de supervision urbain (CSU). Il faut ajouter à cela la maintenance du matériel ainsi que la rémunération des opérateurs.
La mairie communique énormément sur la vidéosurveillance et sur la présence de la police municipale la nuit. C’est évidemment une réponse concrète à la volonté légitime des citoyenn.es angevin.es de vivre en toute tranquillité. L’annonce de l’arrivée de nouvelles caméras est même devenue la baguette magique du maire en réunion publique quand il y a un problème quelque part.
Pourtant de nombreux rapports pointent depuis longtemps la différence entre l’efficacité politique et l’efficacité réelle de ce dispositif. Il peut se révéler efficace en milieu clos mais il ne l’est pas du tout sur la voirie. Dans les autres villes ayant mis en place précédemment ce type de politique, le taux d’élucidation des affaires n’a pas évolué. Au contraire, des politiques incitatives de médiation et de prévention qui ont des effets autrement plus perceptibles.
Une très récente étude montre par exemple l’inefficacité du dispositif rennais. Le constat est effarant. Sur 3 ans, la police a requis 36 rushes vidéo alors que 14 000 faits de délinquance étaient comptés sur cette période. Quant aux vertus supposées de la prévention, elles y sont largement relativisées au travers de témoignages de membres de la police. « La présence de caméras ne permet pas de prévenir les violences physiques (homicides, agressions) » puisque selon un inspecteur de la police nationale « dans 8 cas sur 10, les auteurs des délits sont alcoolisés et les caméras n’ont pas d’effet sur eux ». Idem pour les vols, « l’action rapide et discrète d’un pickpocket ou d’un voleur à la tire est difficile à détecter sur un écran. »
Au-delà des considérations éthiques qui questionnent de nombreux défenseurs des droits ; au-delà des rapports pointant les effets de déplacements des problèmes et d’inefficacité réelle, les Angevin.es sont d’abord en droit d’avoir un état des lieux exhaustifs de cette politique. Depuis deux ans, a-t-elle permis d’élucider des crimes et délits ? Si oui combien ? A-t-elle permis de faire reculer la délinquance et la criminalité ?
Signataires de cette tribune, nous demandons au maire de rendre enfin publique une évaluation de l’efficacité de ce dispositif après deux ans de mise en service. Nous souhaitons également que le coût complet pour notre ville soit détaillé afin que la transparence soit faite sur la réalité de cette politique. Nous demeurons persuadés que les politiques d’actions culturelles et associatives, de prévention, de médiation, sur le terrain et dans la durée sont, à coût comparable, bien plus pérennes et porteuses de résultats dans le temps. Enfin, nous souhaitons pouvoir rencontrer le maire pour poursuivre le débat dans les semaines qui viennent.
Signataires : Romain Laveau (porte-parole EELV Angers), Catherine Jamil (présidente LDH49), Djamel Blanchard (militant des quartiers), Tiphaine Prier (France Insoumise), Marc André (Cercle 49), des membres de Pas Sans Nous 49.
Tribune publiée également sur http://maine-et-loire.eelv.fr/tribune-videosurveillance-a-angers-une-reponse-visible-mais-inefficace-face-a-linsecurite/
Sources :
Synthèse de recherches sur l’efficacité de la vidéosurveillance : Welsh B., Farrington D., 2008, Effects of Closed Circuit Television Surveillance on Crime, Campbell Systematic Reviews, 17, 2-73.
Étude britannique avant / après : Gill, M., Bryan, J., and Allen, J. 2007. Public perceptions of CCTV in residential areas. ‘It is not as good as we thought it would be’. International Criminal Justice Review, 17 (4), 304-324.
Rapport de la Cour des comptes : Cour des comptes, 2011, L’organisation et la gestion des forces de sécurité publique, Paris, Cour des comptes, Rapport public (p. 146, 148).
http://alter1fo.com/rapport-videosurveillance-inefficace-112513 / Rapport final « La vidéosurveillance et la prévention de la délinquance : quel impact ? » Eric HeilMann-2017