Politique migratoire : viol de l'article 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme ?
Entretien avec Patrick Weil, Directeur de recherche au CNRS. Quand le nouveau pouvoir empaume les Français. Ou de la violation sans précédent de l’article 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen
Jean-Philippe Foegle Lire l’intégralité de l’entretien : https://revdh.revues.org/3246
Extrait :
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JPF - Il semble que nous vivons une période dangereuse pour les droits et libertés, et en particulier des libertés et droits des étrangers. Les systèmes institutionnels et contre-pouvoirs des deux États sont-ils bien armés pour faire face à ce recul des libertés ?
PW - Ce qui me frappe, c’est qu’à l’arrivée au pouvoir de Trump et de Macron, les premières mesures visent les étrangers. Une façon rapide et « facile » de signifier sa prise de pouvoir dans l’Etat, et le « changement » -dans le sens d’un durcissement - avec le pouvoir précédent. Les mesures prises par Donald Trump à l’égard des « musulmans » sont assumées, avec une outrance verbale certaine. Il y a une forte dimension de mise en scène car les pouvoirs conférés à l’exécutif américain lui auraient permis d’arriver aux mêmes fins sans faire autant de bruit. En effet, octroyer un visa n’est pas une obligation, et il n’y a pas de recours contre les refus de visa aux Etats-Unis, alors qu’il y en a en France. Trump aurait pu ordonner aux consulats américains de certains pays de forts contrôles et restrictions dans l’octroi de visas sans pour autant décréter leur arrêt complet. D’autant que le système de contre-pouvoirs a immédiatement fonctionné. Le lendemain même de l’Executive Order de Trump, un juge fédéral l’a suspendu – dans le cadre d’une procédure inimaginable en France. Depuis une récente décision de la Cour Suprême, M. Trump peut mettre en oeuvre une partie de sa politique. Mais la bataille juridique est loin d’être achevée. En fait, Trump a surtout cherché à faire de la politique bien plus que d’appliquer l’ordre lui-même, pour donner à son électorat l’impression qu’il applique le programme pour lequel il a été élu et de ce point de vue, il y a réussi.
En France, à l’inverse, nous avons un président moins provocateur, aimable dans son apparence, souriant et ouvert à l’accueil des réfugiés à Bruxelles ; mais dans la pratique, sur le terrain, à Calais et dans sa région, ce sont des droits fondamentaux qui sont bafoués par le pouvoir exécutif, et, comme le défenseur des droits Jacques Toubon l’a souligné, les récentes attaques sur les migrants à Calais s’apparentent à une remise en cause, d’une violence inédite, de la dignité des personnes. Même sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy il n’y avait pas eu un tel déferlement de violence. Cette volonté de « régler le problème » de l’immigration par une rationalité d’Etat technocratique et inhumaine nous fait revenir au temps de M. Giscard d’Estaing deuxième période. Et encore ! Même sous Giscard d’Estaing, les personnes n’avaient pas fait l’objet d’une telle violence sur le plan physique.
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