Contrôle au faciès: l’État condamné par la Cour de Cassation
Le contrôle au faciès est une réalité connue, mais pas souvent reconnue. A tel point que le nombre de plaintes est très minime en regard des nombreux contrôles d'identité liés à une origine fondé sur des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable.
Il s'est trouvé treize hommes d’origine africaine ou nord-africaine pour attaquer l’État en 2013. Il s dénonçaient des contrôles abusifs, auxquels s'ajoutaient parfois des palpations, des insultes ou du tutoiement. Il leur a fallu aller jusqu'en Cour de Cassation pour faire valoir leur droit.
Celle-ci a définitivement condamné l’État ce mercredi 9 novembre pour des contrôles d’identité discriminatoires. La Cour a estimé qu’il lui revenait de « démontrer l’absence de discrimination » quand une personne contrôlée dispose d'« éléments » laissant en présumer l’existence.
Elle ajoute dans un communiqué: « Un contrôle d’identité fondé sur des caractéristiques physiques associées à une origine réelle ou supposée, sans aucune justification objective préalable, est discriminatoire : il s’agit d’une faute lourde qui engage la responsabilité de l’État »
Elle a précisé la façon dont la discrimination doit être prouvée. La personne qui saisit le tribunal « doit apporter au juge des éléments qui laissent présumer l’existence d’une discrimination », comme, par exemple, l’attestation d’un témoin présent sur les lieux. « C’est ensuite à l’administration de démontrer, soit l’absence de discrimination, soit une différence de traitement justifiée par des éléments objectifs ». En matière de contrôle au faciès, la charge de la preuve est donc aménagée, à l’image de ce qui se fait en droit du travail. « C’est une innovation majeure, s’est réjoui Me Félix de Belloy. On sort de plusieurs décennies de non-droit. »
Le Défenseur des droits a salué « une avancée majeure pour la garantie des droits des citoyens ».
François Hollande avait pourtant promis d’instaurer un récépissé lors de chaque contrôle d’identité, avant de faire marche arrière, une fois élu. Ce récépissé permettrait d'éviter ces contôles injustifiés, ou tout au moins ouvrirait la possibilité de recors juridique en cas d'abus.
La CNCDH (Commission Nationale Consultative des Droits de l'Homme) remet à l’ordre du jour l’idée de « comptabiliser » les contrôles d’identité et de « mettre en place sans attendre un système de traçabilité, permettant à la personne contrôlée de disposer d’un document attestant de ce contrôle ». Malgré ces préconisations, et aussi historique soit la décision de la Cour de cassation, celle-ci intervient à un moment où le sujet n’est plus du tout porté au sein du gouvernement. Les candidats à la primaire de la droite et du centre ne l’ont pas davantage abordé dans leur programme.
Voir aussi le témoignage sr Facebook de l'un des plaignants Bocar Niane