Surpopulation carcérale - 21/09/2024
Pour voir ou revoir les interventions : https://youtu.be/SpWlRLhN0Yo?si=SKPLbBsMu6HyBlJG
De gauche à droite :
Jean-Yves DUPONT, responsable du GT Prison de la section LDH Angers et Maine-et-Loire
Pauline PAWLOVSKY, coresponsable du groupe de travail prison de la LDH
Nathalie TEHIO, Présidente de la Ligue des droits de l'Homme
Dominique SIMONNOT, Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté
Matthieu QUINQUIS, Président de l'Observatoire International des prisons - section française
Jean CHEVROLLIER, avocat du Barreau d'Angers
Merci à F3PaysdelaLoire d'avoir suivi cette table ronde.
https://x.com/i/status/1837903257475182740
Samedi 21 septembre, la section Angers Maine-et-Loire de la LDH a animé une table ronde sur la surpopulation carcérale.
A l’appui de données chiffrées, émanant du ministère de la Justice, du Conseil de l’Europe, de l’Observatoire International des Prisons, les intervenants ont dressé un constat honteux et terrifiant de la politique française du tout carcéral.
Conséquence directe, les 86 Maisons d’arrêts de France font face à une surpopulation croissante. Dominique SIMMONOT, Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, a rappelé que les personnes qui y sont incarcérées sont, pour la plupart, en attente de jugement. Dans des cellules où peut grouiller la vermine - punaises, cafards, rats - avec pour tout espace personnel un unique mètre carré, les détenus en arrivent à dormir tête-bêche plutôt que sur les matelas au sol, à subir la promiscuité de leurs codétenus, pour certains atteints de maladie psychiatrique, quasiment vingt-quatre heures sur vingt-quatre. La prison en arrive à ressembler à l’asile d’antan. Malgré cette surpopulation des maisons d’arrêt, la justice ne tarit pas le flot des incarcérations. Une question philosophique se pose : pourquoi la France cultive-t-elle la passion de punir ?
Nathalie TEHIO, Présidente de la Ligue des droits de l'Homme, a rendu hommage à Henri Leclerc pour lequel la cause carcérale et les droits des prisonniers ont occupé une place centrale parmi tous ses engagements, jusqu’au dernier Comité National de juillet 2024 où il a fait part de sa révolte concernant l’état des conditions d’incarcération.
Nathalie TEHIO a évoqué les engagements de la LDH sur des plaidoyers et des recours pour obliger l’Etat car il est nécessaire de prévenir les violences entre détenus, les suicides, de faire respecter les « Règles Nelson Mandela », de permettre l’accès au travail, aux soins psychiques. Au-delà des conditions de détention des détenus ce sont aussi les conditions de travail des personnels pénitentiaires qui sont impactées ; leurs droits économiques et sociaux sont altérés.
Les comparutions immédiates ont multiplié par huit le risque d’incarcération, ce qui interroge sur le sens de la peine et de la répression. La LDH est engagée pour sortir de la posture idéologique du tout répressif, pour organiser un mécanisme de régulation carcérale. Elle fait partie d’un collectif favorable à une nouvelle politique des drogues. Elle a également abordé les conditions d’incarcérations et d’assignation à résidence de responsables politiques indépendantistes politiques à 17 000 km de chez eux.
Matthieu QUINQUIS, Président de l'Observatoire International des prisons - section française, a présenté l’Observatoire. Association loi 1901, reçoit 4500 sollicitations par an pour alerter sur des situations précaires de détenus. Elles émanent de détenus eux-mêmes, d’avocats, du personnel carcéral, de médecins. L’OIP mène des enquêtes. Il a encouragé à lire les rapports du Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL). Il a rappelé que la France avait été condamnée par la Cour Européenne des Droits de l’Homme pour traitements dégradants des personnes détenues.
La France a été sommée de réagir ; la réponse a été l’ouverture de 15 000 places donc la création de nouveaux établissements gigantesques. Matthieu Quinquis précise que depuis 40 ans, on n’a pas arrêté de construire de nouvelles places, aussitôt occupées. Ce qui signifie que plus on construit, plus on enferme. Certes, la volonté est d’améliorer les conditions de détention mais aussi les conditions de travail du personnel carcéral. Or, ces nouveaux établissements sont perçus comme moins « humains », construits loin des centres-villes, ils isolent un peu plus le prisonnier de sa famille. Après leur ouverture, les recommandations en urgence peu se multiplient. Il serait donc urgent d’arrêter de construire ces prisons et d’arrêter de les remplir.
Pauline PAWLOVSKY, coresponsable du groupe de travail « Prison » de la LDH, a fait part des remontées des sections sur les problématiques que posent les nouveaux centres pénitentiaires. Des recours sont souvent engagés par la LDH. Elle a présenté des initiatives de la LDH telle que la demande d’accès à internet pour les détenus ou les partenariats pour les cours à distance. Un focus sur l’incarcération des femmes a montré que bien que moins nombreuses que les hommes, elles souffrent de l’éloignement géographique de leur famille (seuls 57 établissements sur 187 accueillent des femmes) mais aussi de l’enclavement de leur quartier au sein de la prison qui impacte les horaires et la nature de leurs activités. Leur accès à la santé est dégradé.
Jean CHEVROLLIER a évoqué les atteintes à la dignité dont souffrent des détenus LGBT, les conduisant parfois au suicide. Il a été sollicité pour évoquer la situation de la Maison d’arrêt d’Angers, fortement impactée par des incarcérations toujours plus nombreuses. La justice dispose d’autres peines que l’incarcération. Or de nombreux jeunes se retrouvent en détention pour des infractions à gravité moindre. Les vols, les stupéfiants, les violences conduisent à la détention. La prison est-elle alors la meilleure réponse ?
Se poser la question de ce que l’on attend de la prison. Punir ? Humilier ? Comment en subissant des traitements inhumains les détenus pourraient-ils se réhabiliter ?
Refuser ce que la prison produit : déshumanisation, abandon et oubli.
Prochaine table ronde, en 2025 : le chantier de la nouvelle prison