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Publié par LDH

 

Par une ordonnance du 9 juin 2022, la juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal judiciaire de Bordeaux a décidé d’ordonner la mainlevée du placement en unité pour malades difficiles (UMD) de Romain Dupuy, tout en autorisant son maintien en hospitalisation complète et fermée. Le parquet a décidé de faire appel de cette décision et conteste au juge le droit de contrôler les décisions préfectorales.

Tristement connu pour avoir tué dans des conditions qui ont suscité l’effroi deux infirmières de Pau, Romain Dupuy est, depuis 2005, hospitalisé d’office et placé au sein d’une UMD sur seule décision préfectorale. Sa vie est ainsi suspendue aux contraintes exceptionnelles de cette unité réservée aux situations les plus difficiles. Depuis 2018, il bénéficie d’avis médicaux favorables à sa sortie de l’UMD pour rejoindre l’hospitalisation fermée classique où, tout en restant sous ce régime, il bénéficierait d’une plus grande liberté. Pourtant, la préfecture refuse d’ordonner son placement en service de soin psychiatrique ordinaire et continue de le maintenir dans une unité particulièrement contraignante. Jusqu’à présent, les juges avaient estimé que la décision de placement en UMD relevait exclusivement des pouvoirs du préfet. La jurisprudence excluait ainsi la compétence du juge administratif et le pouvoir du juge judiciaire de contrôler le choix de la mesure de placement en UMD.
En vertu de l’article L3211-12 du Code de la santé publique, le juge judiciaire est compétent pour ordonner la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète mais la loi est silencieuse sur la possibilité de levée de la mesure de placement en UMD. En dépit d’avancées significatives adoptées récemment, sous la contrainte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, en matière d’isolement et de contention, le législateur n’a pas prévu de contrôle plein et entier du juge sur les mesures de placement en UMD. Pourtant un tel contrôle, que la loi n’exclut pas, paraît seul à même de faire respecter les droits fondamentaux des personnes hospitalisées. Les conventions internationales exigent un tel contrôle pour empêcher les traitements inhumains et dégradants. Pour être pleinement respectueuse des droits et libertés, la décision de placement en UMD doit s’effectuer sur avis du corps médical et sous le contrôle du juge. Une position contraire ne laisserait ainsi d’autre choix aux juges que de lever totalement les mesures d’hospitalisation d’office. La décision de la JDL du tribunal judiciaire de Bordeaux, prise en dépit des pressions potentielles de l’opinion publique, relève ainsi d’un équilibre qui permet d’assurer le respect des droits des personnes hospitalisées.

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) salue le sens de cette décision ouvrant la voie au contrôle nécessaire par le juge judiciaire des mesures de placement en UMD. Une décision qui doit bénéficier à toutes les personnes hospitalisées d’office et devenir la norme.

Paris, le 13 juin 2022

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