Premières de corvées mais debout.

Nous revoilà le 8 mars, journée internationale du droit des femmes (1), célébrée depuis 1975 par l'ONU et déclinée dans chaque pays. Chaque année les médias nous égrènent la longue liste des inégalités et des replis dans les pays étrangers, en Europe, et en France . Nous pouvons reprendre quelques chiffres sur le site d'oxfam France :

Les inégalités femmes-hommes en chiffres ( monde):

Moins de 24 % des parlementaires du monde et seulement 5 % des maires sont des femmes.
À travail égal, les femmes sont en moyenne rémunérées 24 % de moins que les hommes, dans l’ensemble des régions et des secteurs.
Les femmes représentent les deux tiers des adultes analphabètes dans le monde, une proportion qui n’a pas bougé depuis deux décennies.
153 pays ont des lois favorisant la discrimination économique des femmes, dont 18 où un homme est en droit d’interdire à son épouse de travailler.
Dans le monde, une femme sur trois subira des violences au cours de sa vie.

Ces chiffres restent malheureusement vrais, mais le 8 mars 2021 n'est pas tout à fait comme les précédents, en témoigne le thème choisi par l'ONU qui est le " Leadership féminin : Pour un futur égalitaire dans le monde de la Covid-19 ». La crise sanitaire mondiale n'est pas un moment propice pour avancer vers un monde plus juste. Et l'ONU précise :"Bien que les femmes représentent la majorité des travailleurs de première ligne, elles sont représentées de manière disproportionnée et inadéquate (2) dans les espaces politiques nationaux et mondiaux en lien avec la Covid-19." La France n'échappe pas à ce constat et les premiers de corvées ont été en grande majorité des premières de corvées, infirmières, aides soignantes, "femmes" de ménage, caissières, enseignantes... Quand le télétravail était possible, lors du premier confinement, les triples journées ne se sont plus succédées mais superposées, et les réunions à distance se faisaient sur fond de pleurs d'enfants. Les familles monoparentales, qui concernent à plus de 80% des femmes (3) qui ont été particulièrement isolées (4). Chez les couples hétérosexuels le confinement n'a pas permis la redistribution du temps des tâches domestiques, au contraire. Les femmes sont donc particulièrement épuisées, le pic de dépression prédite par les psychiatres va les toucher sévèrement. A cela va s'ajouter la crise économique qui touchera en premiers les personnes en situations précaires, en majorité des femmes (5).

En plus de renforcer les injustices, il était prévisible que le confinement exacerberait les violences intrafamiliales, et les femmes ont payé le prix fort dans tous les pays (6). Le notre n'y a pas échappé. Nous sommes soulagés de voir que les autorités ont mis en place des dispositifs efficaces pour éviter les féminicides; plus de 50 vies ont été épargnées par rapport à 2019 (7). Néanmoins, on déplore encore la mort de 90 femmes par les coups de leur conjoints ou ex-conjoints, et cela reste inadmissible! Et nous espérons que les efforts déployés se pérennisent, pour que la France devienne un pays exemplaire.

Par ailleurs, comme le déclarait S de Beauvoir " « Rien n’est définitivement acquis. Il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Votre vie durant, vous devrez rester vigilantes » (8). Les choix de financement sont les premiers leviers politiques. Ainsi la LDH s'est étonnée du choix de mise en concurrence du marché public pour la plate-forme du numéro d'écoute pour les femmes victimes de violence, le 3919, alors que le besoin est crucial (9).

Et quand la politique à l’égard des femmes croise celle du droit des étrangers, le constat est alarmant : les conditions d'accueil (10), notamment le manque de places d'hébergement, favorisent les violences sexuelles sur le sol français à l'encontre des femmes migrantes.

La gestion publique de la crise sanitaire a été désastreuse pour l'accès aux soins obstétriques et à l'IVG (11) cette année, avec nombreux centres fermés laissant des femmes sans solution. L'IVG est encore et toujours remis en cause, insidieusement en France et plus frontalement dans d'autres pays, y compris en Europe comme en Pologne (12). La LDH reste vigilante et prête à se mobiliser pour défendre le droit des femmes à disposer de leur corps.

2020 nous laisse malgré tout quelques raisons d’espérer et de voir les femmes se lever pour refuser l’oppression et la domination, dans la sphère intime. Les publications et déclarations pour dénoncer des violences et des incestes ont permis une prise de conscience de la fréquence de ces faits. Les auteurs présumés des accusations les plus médiatisées sont des hommes de pouvoir (13), mais des victimes anonymes osent enfin parler de nombreux autres faits, notamment dans les entreprises où le travail précaire est banalisé. Les inégalités engendrent tous les abus de pouvoir, et les violences.

Il faut garder en mémoire que les femmes sont les premières victimes de ces inégalités et violences, cependant la société dans son ensemble gagnerait à les éradiquer. Pour ne citer qu'un exemple, les médias, lors d'un fait divers nous ont appris que les interventions pour violences conjugales (14) sont la première cause de décès en service des forces de l'ordre.

Pour s'attaquer à la racine du problème des inégalités de genre, il faut un programme politique ambitieux associant tous les acteurs de la société afin de lutter contre toutes les formes de violences et toutes les inégalités. Claudine Monteil. "Simone de Beauvoir : Modernité et engagement".

https://www.unwomen.org/fr/news/stories/2020/11/announcer-international-womens-day-2021
https://www.unwomen.org/en/digital-library/publications/2020/06/policy-brief-covid-19-and-womens-leadership
https://www.insee.fr/fr/statistiques/3714737
https://www.franceinter.fr/emissions/l-invite-de-7h50-du-week-end/l-invite-de-7h50-du-week-end-28-fevrier-2021
https://theconversation.com/emploi-teletravail-et-conditions-de-travail-les-femmes-ont-perdu-a-tous-les-niveaux-pendant-le-covid-19-141230
https://www.un.org/fr/covid-19-riposte-globale/covid-19-lonu-alarm%C3%A9e-par-la-%C2%AB-flamb%C3%A9e-%C2%BB-des-violences-domestiques
https://fondationdesfemmes.org/cp-baissefeminicides2020/
Claudine Monteil. "Simone de Beauvoir : Modernité et engagement" 2009. Eds L'harmattan.
https://www.ldh-france.org/sauvonsle3919-avec-le-marche-public-le-gouvernement-met-en-peril-lecoute-des-femmes-victimes-de-violences-sexistes/
https://theconversation.com/les-femmes-migrantes-face-aux-violences-sexuelles-en-france-138896
https://theconversation.com/ivg-grossesse-accouchement-quand-la-crise-sanitaire-menace-les-droits-des-femmes-137625
https://www.ldh-france.org/avortement-en-pologne-la-ldh-est-au-cote-de-la-mobilisation-de-masse-contre-linterdiction-totale/
Emissions "à l'air libre" de médiapart : https://www.youtube.com/watch?v=l1b8rgn9S8k
https://www.francetvinfo.fr/faits-divers/gendarmes-tues-dans-le-puy-de-dome/mort-de-trois-gendarmes-dans-le-puy-de-dome-ce-que-l-on-sait-sur-le-tireur_4230713.html

#Egalité Hommes - Femmes, #droits sociaux