La compétence universelle rend justice contre les crimes contre l'humanité
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En introduction de son communiqué du 1er mars 2021, la FIDH « se félicite du verdict capital rendu à Coblence, en Allemagne, le 24 février 2021, dans une affaire concernant des crimes contre l’humanité commis par un acteur du régime de Bachar al-Assad en Syrie. »
Ce jugement historique a été rendu possible grâce à la compétence universelle dont disposent les juges allemands. Le principe de la compétence universelle est « fondé sur la notion selon laquelle certains crimes sont d’une gravité telle qu’ils portent atteinte à l’ensemble de la communauté internationale » permettant ainsi à un État « de poursuivre les auteurs de ces crimes même en l'absence de tout lien de rattachement avec l'État en question » (voir PDF en bas de l'article).
Ainsi, le législateur allemand a explicitement garanti cette compétence universelle au sein du Code pénal international allemand (Völkerstrafgesetzbuch – VStGB), texte promulgué en 2002 aux fins d’adapter le droit allemand au Statut de la Cour pénale internationale (CPI). Son article 1er donne compétence au juge allemand pour les crimes de guerre, crimes contre l’humanité, crimes de génocide, même lorsque les auteurs présumés ne sont pas présents sur le territoire allemand. Cette compétence universelle est alors dite absolue ou inconditionnelle.
Plus encore, dans son communiqué, la FIDH affirme que « cette décision pourrait faire jurisprudence et ouvrir la voie à d’autres procès en dehors de la Syrie ».
Ce même jour effectivement, le 1er mars 2021, une plainte pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre a été déposée avec constitution de partie civile auprès du tribunal judiciaire de Paris par trois ONG syriennes : Le Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression (SCM), Open Society Justice Initiative (OSJI) et Syrian Archive. Celle-ci vise deux attaques chimiques commises à Douma et dans la Ghouta orientale, près de Damas, en août 2013. Elle est fondée sur la compétence extraterritoriale française.
De fait, le droit pénal français établit une compétence universelle relative ou extraterritoriale. Autrement dit, la compétence est « conditionnée à l’existence d’un lien de rattachement avec l’ordre juridique interne de l’Etat ».
C’est l’article 689-11 du Code de procédure pénale qui encadre ce dispositif. Inséré par la loi du 9 août 2010 portant adaptation du droit pénal à la CPI, il mettait en place les fameux 4 verrous. Ainsi, le juge français peut poursuivre et juger une personne qui aurait commis un crime contre l’humanité ou un crime de guerre si :
- La personne poursuivie réside habituellement sur le territoire français ;
- Le droit du pays d’origine prévoit la possibilité de poursuivre l’infraction (« double incrimination ») ;
- La CPI a expressément décliné sa compétence ;
- Les poursuites ne peuvent être engagées que par le ministère public, la constitution de partie civile n’étant pas ouverte.
L’article sera ultérieurement modifié le 23 mars 2019 et le troisième verrou « sautera », le principe de subsidiarité de la compétence de la CPI étant déjà affirmé par le Statut de Rome.
Malgré l’existence de ces conditions rendant l’ouverture de poursuites judiciaires sur ce fondement « quasi impossible », les avocats des 3 ONG ont donc déposé plainte afin « de déterminer la responsabilité de ceux qui ont ordonné et mis en œuvre ces attaques ». Il appartient désormais aux juges d’instruction d’ouvrir une enquête.
Une véritable enquête structurelle permettrait de lutter contre l’impunité des crimes commis en Syrie par le régime de Bachar al-Assad. Ainsi, après la procédure allemande réussite, la procédure française enclenchée, une procédure est attendue en Suède. La création d’un tribunal international sur la Syrie ayant été bloqué par la Russie et la Chine au Conseil de sécurité des Nations Unies, il faut désormais espérer que la justice française instruira cette plainte. Pour Me Clémence Witt, avocate de l’ONG SCM : « Ce que nous attendons de la justice française, sur le fondement de la compétence extraterritoriale, c’est qu’elle permette la manifestation de la vérité, tant en reconnaissant aux victimes leur statut qu’en faisant aussi la lumière sur la chaîne de commandement et sur les responsabilités du gouvernement syrien. »