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Publié par LDH

Le samedi 8 avril, la LDH, représentée par Michel Tubiana, a participé étroitement au dernier acte du désarmement de l’ETA. La LDH est, en effet, partie prenante des Artisans de la paix. Ce sont eux qui ont permis d’aller jusqu’au bout de ce processus qui concerne les victimes, les détenus ou la vérité sur ce qui s’est passé.

A l’issue de cette journée, un meeting a réuni 20.000 personnes à Bayonne, au cours duquel a été lu par Michel Tubiana, en français, et par Michel Berhocoirigoin, en basque, la déclaration ci-dessous.

« Enfin, nous y sommes ! Il y a six ans que l’ETA a cessé définitivement la lutte armée. Cette décision politique signifie qu’il a fait le choix de s’inscrire dans le débat démocratique en excluant tout recours à la violence.

On le sait, faire la paix est plus difficile, beaucoup plus difficile, que de faire la guerre. Ce qui n’était pas imaginable, c’est que cette volonté de paix se heurte au refus des Etats espagnol et français d’entendre cette voix. Comme si le mot paix était devenu tabou.

Désarmer, désarmer sans conditions préalables, désarmer de manière coordonnée, c’est marquer un point de rupture entre le passé et l’avenir, c’est signifier que l’instant du désarmement porte en lui plus que la sécurité que procure cet acte de confiance, c’est proclamer que l’intelligence prime sur la force.

Le désarmement est au cœur d’un processus de paix. Il permet surtout un changement de panorama, un changement de logiciel : rien n’est plus comme avant ! Procéder au désarmement, c’est faire tomber le mur du statut quo ! Le désarmement devrait donc être une bonne nouvelle pour tous, y compris pour la France et l’Espagne, mais paradoxalement elles ne l’ont pas entendu ainsi…

Devant une situation de blocage de plus en plus périlleuse et inquiétante, nous avons décidé de prendre nos responsabilités de citoyens et de citoyennes en lançant le début du processus le 16 décembre 2016 à Louhoussoa. Là encore, il nous fût répondu par le déni et la force. Mais, très vite, la nuit même et le lendemain, ce sont des milliers de personnes, simples citoyens, militants, élus de toutes étiquettes qui sont venus crier leur refus de voir se poursuivre cette politique de l’absurde, cet immobilisme de la pensée qui fige les peines et les rancœurs sans rien proposer pour les dépasser.

Et c’est grâce à ce soutien, à votre soutien, que nous avons pu continuer à avancer au point d’arriver là où nous voulions aller, jusqu’au bout du processus de désarmement, et nous y sommes.

L’essentiel est là : aujourd’hui, le 8 avril 2017, l’ETA est désarmé !

Prenons la mesure de l’évènement. Il y aura un avant et un après 8 avril comme il y a déjà eu un avant et un après la conférence d’Aiete. Mais, si le désarmement permet la paix, ce n’est pas encore la paix.

Construire les conditions de la paix, c’est un écheveau complexe de raison et de sentiments, de règles qui s’appliquent et de règles à inventer, de connaissance du passé, de respect mutuel et de volonté de vivre autrement que dans l’affrontement.

Le désarmement doit permettre d’autres pas décisifs dans un scénario global de réconciliation. Il permet d’avancer sur les autres dossiers essentiels : victimes, prisonniers… Il faut contribuer tous ensembles à une œuvre commune : une paix juste, globale, irréversible, respectueuse du passé, tournée vers l’avenir. Si le passé a divisé, le futur doit unir.

Il faudra aborder la question des victimes, de TOUTES les victimes : Elles sont au cœur du processus de paix. Il faut les écouter, les respecter. Refusant toute instrumentalisation de la souffrance, nous leur devons l’examen sans complaisance du passé. Il va falloir se mettre à la place de l’autre, monter sur la montagne de l’autre. Cela permettra, peut-être, à chacun de trouver la force d’aller au-delà. Reconnaître et réparer les plaies individuelles et collectives est une obligation. Nous devons aux victimes non seulement la vérité, mais la paix des cœurs et des esprits.

Le passé, c’est aussi jeter un regard critique sur ce qui s’est produit, non pour accuser ou distribuer des marques d’honneur ou de déshonneur, ou pour exiger des remords. Mais pour en tirer les enseignements, ce qu’il aurait été possible de faire autrement, pour en faire une expérience, bonne ou mauvaise, à partager. Rien ne pourra se construire sans cet effort de lucidité et de connaissance.

Clore ce chapitre c’est mettre un terme à ses conséquences. Le sort des personnes qui ont participé à ce conflit doit s’inscrire dans un processus de paix et de réconciliation. D’ores et déjà pèse sur l’Espagne et la France la responsabilité de revenir au droit commun et cesser d’infliger des conditions de détention que rien ne justifie, si ce n’est une volonté de faire souffrir. Refuser systématiquement les mesures de liberté conditionnelle, priver les prisonniers de leurs liens familiaux, ce n’est rien d’autre qu’une volonté de sanction qui s’ajoute à la sanction. L’avenir des exilés comme des personnes détenues ne peut se réduire à l’application de la loi et nous devrons inventer les mécanismes qui permettent d’imaginer d’autres alternatives que l’univers carcéral.

Enfin, et ce n’est pas la chose la plus facile, disons-le, il faudra apprendre à vivre ensemble, à cesser de regarder les adversaires d’hier comme les ennemis d’aujourd’hui. Il faudra désarmer les esprits, combattre la haine, répudier l’esprit de vengeance. Il nous faudra accepter la confrontation, parce qu’il n’y a pas de vie, pas de société sans confrontation, sans débats, encore moins sans débats démocratiques.

Et rien ne doit échapper à nos débats. Rien de ce qui a fait cette histoire doit être éludé ou dissimulé. Tout doit être soumis à l’examen critique et à la réflexion politique avec une seule exigence : régler de manière démocratique nos différences.

Nous appelons à construire ce processus et à en définir les méthodes. Nous savons les difficultés de ce projet. Nous savons aussi qu’il n’y a pas d’autres alternatives. A nous de construire, ensemble, la paix à laquelle nous aspirons. »

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