France Info : La police de proximité aurait-elle pu éviter l'affaire Théo ?
Franceinfo a interrogé Jean-Pierre Havrin, ancien commissaire à Toulouse, directeur départemental de la sécurité de Haute-Garonne, et initiateur de cette police.La LDH49 reprend un extrait de son témoignage.
Mise en place en 1998 par le gouvernement Jospin, la police de proximité a été supprimée en 2003 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur. Son existence aurait-elle permis d'éviter l'affaire Théo, ou la mort d'Adama Traoré ? En quoi diffère-t-elle des brigades spécialisées de terrain actuelles ? Quelle était sa philosophie ? Franceinfo a interrogé Jean-Pierre Havrin, ancien commissaire à Toulouse, directeur départemental de la sécurité de Haute-Garonne, et initiateur de cette police.
Franceinfo : L'affaire Théo n'est que la dernière d'une longue série d'affaires où des policiers sont mis en cause pour des violences. Comment analysez-vous la situation ?
Jean-Pierre Havrin : J'ai quitté la police en 2009, mais cette situation est le fruit de plusieurs éléments qui ne changent pas depuis les années 1980, période à laquelle les politiques ont décidé que la sécurité serait une priorité. Tout d'abord, les policiers qui sont envoyés en banlieue sont trop jeunes. Ils sortent à peine d'école, ils ont peu d'expérience et sont confrontés aux quartiers les plus difficiles. Cela peut paraître anodin, mais cette situation est le résultat de tractations politiques en interne.
Lorsque j'étais le "conseiller police" de Jean-Pierre Chevènement [ministre de l'Intérieur de 1997 à 2000], j'avais essayé de résoudre ce problème, mais j'avais dû faire face à une vive opposition des syndicats. La raison est simple : dès qu'un jeune arrive en banlieue, il pose sa mutation pour retourner chez lui et se syndique dans l'espoir que ça l'aide. Les syndicats ne veulent pas que cela change, car ils veulent garder leurs adhérents et donc leur pouvoir. Les plus anciens préfèrent aussi que les plus jeunes viennent en banlieue... Pour qu'ils puissent ainsi la quitter.
Depuis que la sécurité est devenue un enjeu politique, il existe une philosophie du chiffre très dommageable chez les policiers. Les agents sont encouragés à faire des interpellations, à résoudre des affaires, à verser dans la répression plutôt que de la prévention. Sur le terrain, cela se traduit par des délits de faciès, de l'incompréhension, de la colère... et, à son pire niveau, des bavures comme dans les affaires Adama Traoré ou Théo.
Pensez-vous que la police de proximité, que vous défendez, aurait pu changer quelque chose ?
Je ne sais pas si elle aurait pu éviter l'affaire Théo, qui est le résultat d'individus particuliers, dans un contexte précis. Mais à Toulouse, où je l'ai testée, il y avait moins de conflits entre la police et les habitants. On envoyait des agents dans chaque petit bout de quartier, on leur disait : "Toi, tu as tant de rues, et tu y restes !" Il fallait que le policier s'approprie les lieux, connaisse tout le monde. On l'incitait à rencontrer les associations, les responsables du quartier.
Par exemple, Mohamed Merah, à l'époque, on le connaissait pour des petits trafics, on connaissait sa famille, on avait des informations. Si la police de proximité n'avait pas été supprimée, peut-être qu'on aurait pu voir qu'il déviait, avertir les services concernés... Notre rôle, c'était ça aussi : faire du renseignement quotidien, qui est la clé d'un renseignement plus général. Parce que surveiller 6 000 fichés S, c'est super difficile, mais s'informer du quotidien d'habitants sur un territoire limité, c'est à notre niveau.
Concrètement, que faisaient ces policiers ?
Les agents se promenaient dans le quartier qui leur avait été affecté avec des cartes de visite où se trouvait leur numéro de téléphone pour que les habitants puissent les contacter quand ils le voulaient. Il fallait que les gens se sentent protégés et apprivoisent les policiers.
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