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Le défenseur des Droits, dénonce la politique migratoire de la France

Dans son rapport de 300 pages, intitulé « Les droits fondamentaux des étrangers en France » [1], Jacques Toubon fait une critique sévère de la politique de la France à l’égard des étrangers depuis 30 ans. Son analyse rejoint largement les positions défendues par la LDH comme de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH).

Il suffit de lire ”son introduction générale” [page 6, du document] pour comprendre la portée de son réquisitoire. Elle parle d'elle-même sans qu’il soit nécessaire de la commenter.

[1] Le rapport en ligne « Les droits fondamentaux des étrangers en France » , mis en ligne le 09/05/2016

En voici des extraits choisis :

« Les différentes lois relatives aux conditions d’entrée et de séjour en France des étrangers ayant succédé à l’ordonnance du 2 novembre 1945 ont, à de rares exceptions près, conduit à une régression de la situation des étrangers, les textes les plus favorables ne revenant jamais complètement sur la situation prévue par la législation antérieure … Ce faisant, elles ont renforcé la banalisation, dans les esprits et dans le droit, du traitement différencié des individus en raison de leur nationalité  »

« Loin d’être naturelles et immuables, les règles de droit dédiées aux étrangers […] sont autant de choix opérés par le législateur et le pouvoir réglementaire qui reposent parfois sur des considérations subjectives, fluctuantes, empreintes de protectionnisme, voire de xénophobie. C’est dans ce contexte que se développent des idées préconçues, des mythes, fréquemment alimentés par la peur lorsque l’on évoque les étrangers, dont il est du devoir des acteurs de la défense des droits de contribuer à déconstruire. Au titre de ces présupposés, la forte présence d’étrangers en France, y compris en situation régulière et durablement installés, serait de nature à remettre en cause ”l’identité nationale”. […] Or, l’immigration est un fait social consubstantiel à la construction de la France et d’une partie de l’Europe. Aucune période de l’histoire de l’immigration, aussi intense soit-elle, n’a modifié le socle des valeurs républicaines communes. »

« Parmi [les] ”idées reçues”, on trouve celle selon laquelle une politique à l’égard des étrangers pleinement respectueuse des droits fondamentaux provoquerait un ”appel d’air” favorisant une immigration massive ou serait particulièrement coûteuse. Outre les situations de renoncement aux soins dont ils sont coutumiers, les étrangers sont particulièrement exposés au non-recours aux prestations sociales, en ce qu’ils appartiennent aux franges les plus fragiles du salariat, aux catégories les plus précaires et les moins susceptibles de se repérer dans les méandres de l’administration. Le non recours à ces prestations est un signal du fait qu’un système de protection sociale jugé «généreux» à l’égard des étrangers n’est pas une source d’attractivité et un motif d’immigration. »

« Le terme de migrant a […] tendance à être utilisé, en particulier dans l’expression inappropriée de “crise des migrants”, pour disqualifier les personnes, leur dénier un droit à la protection en les assimilant à des migrants “économiques”, dont l’objectif migratoire serait utilitariste et, partant, moins légitime que celui lié à la fuite de la guerre ou des persécutions, opéré par le réfugié. Ainsi l’appellation de “réfugié” est à double tranchant en ce qu’elle peut inciter à distinguer, une fois de plus, les “bons” réfugiés, ceux qui pourraient prétendre à une protection au titre de l’asile, des “mauvais” migrants dits économiques, ce qui n’a pas de sens. […] Cette distinction, conduit à jeter le discrédit et la suspicion sur les exilés dont on cherche à déterminer si leur choix d’atteindre l’Europe est noble, “moral” et pas simplement utilitaire. Avec, à la clé, le risque de priver de protection les personnes en droit d’en bénéficier. Or, cette logique de suspicion irrigue l’ensemble du droit français applicable aux étrangers et va “contaminer” des droits aussi fondamentaux que ceux de la protection de l’enfance ou de la santé. »

« La loi du 3 décembre 2012 sur la retenue des étrangers […] n’a pas supprimé ce délit [pénalisation des actes de solidarité, ndlr] mais a simplement créé une nouvelle immunité pénale pour les faits n’ayant donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte et accomplis dans le but d’assurer des conditions de vie décentes à l’étranger ou de préserver sa dignité ou son intégrité physique. Au regard de plusieurs affaires ayant émaillé l’actualité récente, il s’avère que ces craintes [maintien du délit de solidarité, ndlr] n’étaient pas infondées : poursuite d’une personne ayant hébergé une famille de sans-papiers ; condamnation par le TGI de Grasse d’une bénévole de 72 ans pour avoir véhiculé deux ressortissants érythréens de la gare de Nice à Antibes ; condamnation par le tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer à 1000 euros d’amende avec sursis d’un homme ayant caché dans sa voiture une fillette de 4 ans vivant dans le bidonville de Calais afin de la conduire auprès des membres de sa famille en Grande-Bretagne. »

« Réaffirmant sa réticence de principe à l’égard de toute condamnation de l’aide désintéressée aux étrangers, le Défenseur entend alerter sur les potentielles atteintes aux droits fondamentaux, notamment au droit de ne pas subir de traitements inhumain ou dégradant et à l’intérêt supérieur de l’enfant, que peuvent a fortiori receler de telles condamnations lorsqu’elles visent des personnes venues en aide à des étrangers vivant dans des conditions notoirement indignes, tels que les habitants du bidonville de Calais, ou encore à des mineurs. A cet égard, il rappelle que condamner l’aide au séjour irrégulier d’un mineur n’a pas de sens dès lors que celui-ci n’est pas tenu par l’obligation de détenir un titre de séjour. »

Voir également l'analyse de Médiapart sur le sujet

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