Compte rendu du débat sur l'Europe, animé par Marie-Hélène AUBERT
Les institutions européennes et l’évolution de la politique d’immigration
23 janvier 2009, au Lycée Jean Moulin
C’est depuis 1999 que l’Europe recherche une politique commune d’immigration dans le but d’harmoniser les règles des différents états. Marie-Hélène Aubert rappelle néanmoins que les accords de Schengen en 1985 préparaient déjà cette situation, puisque la libre circulation à l’intérieur de la zone des pays signataires est complétée par le contrôle des frontières extérieures de l’Europe et que la coopération policière et judiciaire, mise en commun des politiques de visas, d’asile commence à s’organiser.
Elle mentionne aussi en 2003, à Dublin, la création du fichier EURODAC qui instaure un système de base de données avec empreintes digitales pour vérifier le passage illégal aux frontières ou voir si le demandeur d’asile n’a pas fait sa demande dans un autre pays, ainsi que le dispositif FRONTEX qui a pour rôle de contrôler les frontières de l’Union et d’obliger les pays limitrophes à faire le travail avec des moyens technologiques puissants : navires d’interception, hélicoptères …
Ella évoque évidemment la directive sur le retour, dite directive de la honte, du 18 juin 2008. Celle-ci a pour but d’harmoniser les règles de rétention et de rendre la politique du retour efficace.
Cette directive a été adoptée en première lecture par le Parlement européen, à 369 voix pour, 197 contre, 106 abstentions. Il y a eu donc une nette majorité ; cependant elle souligne l’importance des abstentions qui seraient plutôt le fait de la gauche. Le texte n’a pas été « bien adopté » : d’habitude les textes passent mieux…
Quel est le contenu du texte qui n’est pas toujours bien compris ?
C’est un texte de directive, de posture minimale : ainsi la Directive fixe la détention à un maximum de 18 mois ; or en France la détention est de 32 jours pour le moment. La Directive retour indique des seuils, mais chaque pays en dessous de ce seuil peut appliquer sa politique nationale. Pour l’interdiction d’accès au territoire des personnes expulsées : la limite est portée à 5 ans maximum. La rétention doit être validée par un juge. Il existe un droit à l’aide judiciaire et un droit de recours. Seuls sont protégés les étrangers malades et les mineurs non accompagnés.
Un participant souligne que la directive risque d’encourager les états à durcir leurs positions quand ils sont en-dessous des seuils.
Marie-Hélène Aubert s’interroge sur cette volonté de chasser les étrangers et de les considérer comme coupables ; elle évoque :
- la pression de la montée des opinions xénophobes et nationalistes ( Autriche, Danemark pour les pays, ainsi que les classes aisées et les classes urbaines défavorisées)
- l’ère du soupçon qui s’appuie sur la peur du terrorisme : certaines immigrés sont soupçonnés d’Islamisme, d’où les fichages multipliés et performants.
Les députés européens tiennent compte de l’opinion publique, ne serait-ce que pour des raisons électorales… Il faut montrer aux électeurs qu’on n’entre pas dans le pays trop facilement. Le Parlement européen est le reflet des opinions nationales.
Est-ce que l’opinion est si hostile à l’immigration ? Il faut bien sûr souligner le rôle des médias, les manipulations … Ainsi les chiffres de M.Hortefeux sont faux, car sont comptés les passages allers et retours de Mayotte aux pays limitrophes.
De plus, on assiste à de nombreux mouvements de solidarité : l’émotion est éveillée par des situations proches ( voir le mouvement RESF entre autres …)
Elle note aussi beaucoup de confusion entre les différents types de statuts.
La question est donc bien : comment changer le regard ?
Marie-Hélène Aubert aborde pour finir la question du développement, avec des thèmes que nous connaissons bien. Car, bien évidemment, s’il y avait un développement économique et social des pays du sud ou de l’est, satisfaisant pour les populations, il n’y aurait pas un phénomène migratoire aussi ample. La dette de ces pays est très lourde, les potentats au pouvoir retiennent les richesses nationales mais sont soutenus par certains états européens. Les richesses du sol sont exploitées par des multinationales étrangères.
Beaucoup de belles proclamations au niveau européen sont vaines et vite oubliées. La population des pays européens accorde une priorité évidente à ses problèmes intérieurs.
Elle pense que le premier travail de l’Europe serait d’aider à établir un état de droit et que l’aide devrait être subordonnée à la budgétisation de l’argent de l’Etat. Mais l’apparition d’une société civile qui est apparue en Afrique constitue un espoir.
Marie-Hélène Aubert témoigne, par son expérience au sein des institutions européennes, que l’Europe est attachée aux valeurs, en particulier à la dignité humaine (cf. la position prise par rapport à Gaza et l’attitude israélienne). Le Parlement est le reflet des gouvernements d’Europe, d’où l’importance des élections européennes et de notre responsabilité…
C.L.
[1] 8 états d’Europe centrale ou orientale ont intégré cet espace depuis et en 2008 la Suisse a fait également son entrée