Naufrage du 24 novembre 2021 dans la Manche : l’Etat français doit réparer le préjudice des familles de victimes
Ce 15 mars 2024, une requête indemnitaire est déposée devant le tribunal administratif de Lille afin de demander réparation du préjudice subi par l’épouse et les enfants de Fikeru Shiferaw, décédé lors du naufrage dans la Manche la nuit du 23 au 24 novembre 2021, lequel a entraîné la mort d’au moins 27 personnes. Accompagnés par l’association Intérêt à Agir, Utopia 56 et la LDH (Ligue des droits de l’Homme) se joignent à la requête pour mettre en lumière les carences de l’Etat et dénoncer une politique mortifère aux frontières. Cette requête fait suite à une demande préalable, restée sans réponse, envoyée il y a plus d’un an à la Première ministre.
L’information judiciaire liée à ce naufrage est toujours en cours et aurait donné lieu à des mises en examen au sein du personnel du CROSS.
Le 23 novembre 2021 vers 22h, un canot pneumatique quitte les côtes françaises avec 33 personnes à son bord. Alors qu’elles contactent les secours français et britanniques pendant plusieurs heures, aucun moyen de secours n’est déclenché. Au moins 27 personnes décèdent, quatre autres sont toujours portées disparues et seulement deux ont survécu.
Fikeru avait fui l’Ethiopie avec l’espoir de rejoindre le Royaume-Uni pour y demander l’asile. Son épouse et ses deux enfants étaient restés derrière, espérant pouvoir le rejoindre sans avoir à emprunter les routes de l’exil et la violence qui les accompagnent. Après avoir parcouru plus de 6 000 km, Fikeru est décédé à quelques kilomètres de son objectif, abandonné par les secours français et britanniques.
« Tu ne méritais pas de mourir ainsi. Tu ne méritais pas d’être traité de cette manière pendant tes derniers instants passés dans ce monde cruel. J’espère toujours que justice soit faite », témoigne l’épouse de Fikeru Shiferaw, également requérante.
« En saisissant la justice aux côtés des victimes, nous entendons aussi rappeler que ces drames ont une portée universelle, à laquelle nous pourrions remédier en mettant fin aux politiques meurtrières de non-assistance en mer et en œuvrant au contraire pour des politiques de migration et d’asile fondées sur les droits fondamentaux », déclare Patrick Baudouin, président de la LDH.
En ce début d’année 2024, au moins 3 350 personnes ont traversé la Manche pour rejoindre le Royaume-Uni, un record. Sur la même période, au moins quatre situations ont donné lieu à des noyades. Seule la cessation des politiques de répression, des discours publics de stigmatisation et une augmentation tant quantitative que qualitative des moyens de secours peuvent mettre fin à ces décès.
Ce contentieux historique vise à faire reconnaître la responsabilité des autorités françaises et à soutenir l’ensemble des familles victimes de ces politiques et pratiques aux frontières. Ce ne sont pas les frontières qui tuent, mais les politiques qui les dessinent.
Paris, le vendredi 15 mars