Histoire du conflit en Ukraine – Chronologie d’une guerre annoncée
Pour compléter la conférence donnée par l’historien Alain Jacobzone le 17/01/2023 voici un article rédigé par C.Courtois, secrétaire de l’association Spodiva Ukraine Angers
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Histoire du conflit en Ukraine – Chronologie d’une guerre annoncée
Avec l’effondrement de l’Union soviétique, l’Ukraine redevient officiellement indépendante le 24 août 1991.
Après 1991, plusieurs républiques ex-soviétiques héritent d’une partie de l’arsenal nucléaire de l’ex- URSS. Kiev est d’abord réticente à l’idée de démanteler l’ensemble de ses armes nucléaires, à cause notamment des dangers qui pèsent sur l’indépendance de son Etat et de la montée du nationalisme russe. Mais après une longue négociation, les chefs d’Etat américain Bill Clinton et russe Boris Eltsine signent en janvier 1994 un accord trilatéral avec l’Ukraine pour garantir la dénucléarisation du pays.
Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Budapest, 5 décembre 1994 :
« 1. La Fédération de Russie, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et les États-Unis d’Amérique réaffirment leur engagement envers l’Ukraine, conformément aux principes énoncés dans l’Acte final de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe, de respecter son indépendance et sa souveraineté ainsi que ses frontières existantes.
2. La Fédération de Russie, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et les États-Unis d’Amérique réaffirment leur obligation de s’abstenir de recourir à la menace ou à l’emploi de la force contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de l’Ukraine, et qu’aucune de leurs armes ne soit utilisée contre l’Ukraine, si ce n’est en légitime défense ou d’une autre manière conforme aux dispositions de la Charte des Nations Unies. »
A cette occasion, le président américain Bill Clinton annonce que cette décision ouvre les portes d’une coopération militaire entre l’Otan et l’Ukraine.
Fin 1994, l’Otan se déclare en effet ouverte à l’adhésion de pays démocratiques d’Europe orientale. Une position critiquée par la Russie, qui reproche aux Etats-Unis leur volonté d’expansion, mais qui se concrétise avec l’intégration de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque au sein de l’Alliance atlantique le 8 juillet 1997.
Entretemps, le 27 mai 1997, est signé l’Acte fondateur Otan-Russie. Cet accord de coopération et de partenariat vise à construire une paix durable en Europe et une sécurité mutuelle entre l’Alliance atlantique et la Fédération de Russie. A travers des consultations régulières entre les parties, ce traité doit contribuer à instaurer une relation de confiance entre Moscou et ses voisins européens, et ainsi entériner la pacification des relations entre l’Occident et la Russie dans le contexte post-Guerre froide. Avec la signature de cet accord, dans le but de rassurer Moscou, l’Otan affirme “n’avoir aucune intention […] de déployer des armes nucléaires sur le territoire des nouveaux membres” ni d’y stationner des forces de combat permanentes.
Nouveau président de la Russie à partir du 31 décembre 1999, Vladimir Poutine tente d’abord un rapprochement avec l’Alliance atlantique, allant jusqu’à évoquer la possibilité d’une intégration de son pays à l’Otan. Mais d’autres ex-membres du bloc soviétique (Estonie, Lituanie, Lettonie, Roumanie, Slovaquie, Bulgarie) rejoignent à leur tour l’organisation le 29 mars 2004. Cette nouvelle adhésion dans l’Otan de pays de l’ex-URSS pousse Vladimir Poutine à changer de position, notamment lorsque se posera la question d’y faire adhérer la Géorgie et l’Ukraine quelques années plus tard.
En novembre 2004, une partie du peuple ukrainien se révolte pour contester la réélection truquée du président pro-russe Viktor Ianoukovytch et demander un rapprochement avec l’Union européenne. C’est la révolution orange, qui porte au pouvoir l’un de ses meneurs, l’opposant Viktor Iouchtchenko, après un troisième tour organisé en décembre. Si l’Ouest du pays vote majoritairement pour M. Iouchtchenko, l’Est majoritairement russophone se prononce largement en faveur de M. Ianoukovytch.
Sous la nouvelle présidence de 2005 à 2010, l’Ukraine se rapproche ainsi de l’Union européenne. Des négociations sur un accord d’association sont lancées à partir de 2007 (le texte ne sera signé qu’en 2014). De son côté, la Russie tâche de conserver son influence à l’est de l’Ukraine, notamment en Crimée où l’armée russe occupe le phare du cap Sarytch à partir d’août 2005.
Dans un discours prononcé le 10 février 2007 à l’occasion de la Conférence de Munich sur la sécurité, Vladimir Poutine fustige l’interventionnisme américain et l’installation de bases de l’Otan aux frontières de la Russie (“on voit apparaître en Bulgarie et en Roumanie des bases américaines […] de 5 000 militaires chacune”, déclare notamment le président russe), en violation des “promesses” occidentales de ne pas étendre les limites de l’organisation en direction de l’URSS. Des engagements qui figurent explicitement dans les comptes-rendus de discussions des années 1990-1991 entre Mikhaïl Gorbatchev et les dirigeants de l’Ouest sur l’appartenance de l’Allemagne réunifiée à l’Otan, sans pour autant avoir été formalisés dans un traité. Ils sont depuis utilisés par le Kremlin, de Boris Eltsine à Vladimir Poutine, pour dénoncer la “trahison” des Occidentaux.
En avril 2008, lors du sommet de Bucarest, l’Alliance entérine la perspective d’adhésion de la Géorgie et de l’Ukraine. Le président russe Dmitri Medvedev déclare alors qu’aucun pays ne serait satisfait à l’idée de voir un bloc militaire s’approcher de ses frontières.
En août 2008, l’armée de Géorgie lance un assaut contre les séparatistes d’Ossétie du Sud, soutenus par la Russie, entraînant en retour une intervention militaire de cette dernière pour appuyer les rebelles. Au terme d’un conflit rapidement remporté par Moscou, les parties signent entre le 12 et le 16 août un plan de paix réalisé sous la médiation du président français Nicolas Sarkozy, qui assume alors la présidence du Conseil de l’Union européenne. Le 25 août, la Russie déclare reconnaître l’indépendance de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie, une décision condamnée par plusieurs capitales occidentales.
21 novembre 2013 : le président ukrainien Viktor Ianoukovytch refuse de signer un accord avec l’UE et se tourne vers la Russie
Principal opposant au président Viktor Iouchtchenko, Viktor Ianoukovytch lui succède à son tour en 2010. Ouvertement pro-russe, il tourne brusquement le dos à l’Union européenne en novembre 2013, avec laquelle l’Ukraine prévoyait de signer un accord d’association (en négociation depuis 2007).
Souhaitant relancer les relations avec Moscou, il obtient la levée des barrières douanières avec la Russie, la promesse d’une baisse du prix du gaz russe ainsi qu’un prêt de plusieurs milliards de dollars. Cette volte-face suscite de vives protestations en Ukraine et provoque l’apparition du mouvement “Euromaïdan” de novembre 2013 à février 2014. Celui-ci débouche sur la “révolution de février” (ou “révolution de Maïdan”), la démission du président Viktor Ianoukovytch et sa fuite en Russie. Ces contestations sont marquées par une extrême violence et des centaines de morts, dont plusieurs sont tués par les forces policières.
A la suite des manifestations “Euromaïdan”, un gouvernement de nouveau favorable au rapprochement avec l’Union européenne prend la relève en Ukraine à partir du 23 février.
A compter de la fin du mois de février 2014, cette séquence débouche sur des contestations “Antimaïdan” dans de nombreuses villes de l’est de l’Ukraine ainsi qu’en Crimée. Les soulèvements pro-russes s’amplifient en avril 2014 lorsque des séparatistes occupent les bâtiments gouvernementaux des villes de Donetsk, Louha et kharkiv.
Lors du référendum de 1991 pour l’indépendance de l’Ukraine, 83,9 % des électeurs de l’oblast de Donetsk et 83,6 % de l’oblast de Louhansk ont voté oui, mais cette indépendance s'est soldée par une détérioration sévère de l’économie du Donbass : dès 1993, la production industrielle s'était effondrée, et les salaires s’étaient affaissés en moyenne de 80 % par rapport à 1990. Le Donbass s'enfonça dans la crise, et le ressentiment se concentra contre le nouveau gouvernement de Kiev.
Les présidents successifs de l’Ukraine avant Maîdan ont été élus grâce au Donbass, via des aides massives à la région. Ce clan de politiciens, « le clan du donbas » , était mené par Ianoukovitch et considéré comme mafieux.
Au cours de la décennie suivante, pour le reste de l'Ukraine, le Donbass passa pour une région arriérée, à la culture mafieuse, et un vivier de sécessionnistes pro-russes ; c'est ainsi que dans un article de Narodne slovo, l'éditorialiste Viktor Tkachenko écrivait en 2005 que le Donbass était le repaire d'une « cinquième colonne », et que le fait de parler ukrainien dans la région n'était « bon ni pour la santé ni pour la survie ». En dépit de cette image, les enquêtes menées au cours des années 1990-2010 ont montré qu'une large majorité d'habitants restait favorable au maintien au sein de l'Ukraine.
Le 27 février, la Russie engage des manœuvres militaires avec son armée de terre aux zones frontalières avec l'Ukraine, au prétexte de « mettre à l'épreuve sa capacité d'action ». Ces mouvements de troupe couvrent en fait une mobilisation à l'échelon régional et provenant de la base de Sébastopol, comme les événements du week-end qui suit le révèlent.
Ianoukovitch, déchu, a fui en Russie et appelle les forces armées russes à intervenir et à garantir « la loi et l'ordre » en Ukraine, en particulier en Crimée, dans une conférence de presse tenue à Rostov[1]sur-le-Don le 28 février, à 100 kilomètres de la frontière ukrainienne.
Le 28 février, des hommes en armes dont l'uniforme ne comprend pas de signe permettant leur identification prennent le contrôle de l'aéroport de Simferopol ; de plus l'entrée de l'aéroport international de Sébastopol est bloquée par 300 combattants cagoulés. Ces deux aéroports desservent la Crimée ; il s'agit d'un pré-positionnement : un communiqué Reuters le lendemain confirme le bouclage des accès aériens sur la péninsule, le district de Kirovskoïe compris.
A la suite de référendums locaux, non conformes au droit international, deux entités indépendantes aux noms de “République populaire de Donetsk” et “République populaire de Louhansk” sont auto-proclamées en avril 2014. Les référendums d’autodétermination ne sont reconnus ni par l’Union européenne, ni par les Etats-Unis, ni par la Russie qui se contente du silence (mais qui les reconnaîtra en février 2022). Kiev considère ces territoires séparatistes comme tenus par des organisations terroristes.
Mars 2014 : la Crimée et Sébastopol sont annexés par la Russie
Pendant ce temps, des séparatistes pro-russes, avec le soutien du président Vladimir Poutine, s’emparent de la ville ukrainienne de Sébastopol, capitale de la péninsule de Crimée. En effet, ceux-ci sont aidés par les “petits hommes verts”, des soldats d’une société militaire privée travaillant sous contrat avec l’Etat russe pour intervenir en Crimée (mais selon l’Ukraine, il s’agit littéralement de militaires russes).
Moscou nie toute présence de ses soldats sur le territoire ukrainien et défend l’idée qu’il s’agit simplement de forces d’autodéfense locale. Le 11 mars 2014, le parlement de Crimée déclare l’indépendance du territoire. Le résultat officiel du référendum est de 96,6 % de « oui » au rattachement à la Russie.
L’Ukraine n’a d’autre choix que de retirer ses troupes et d’abandonner le contrôle de la région. Le 17 mars 2014, l’Union européenne soumet la Russie à ses premières sanctions pour son action dans la crise ukrainienne et pour l’annexion de la Crimée. Ces mesures (principalement économiques) seront reconduites tous les six mois sans interruption.
Le 18 mars 2014, le gouvernement russe annonce que la république de Crimée (correspondant à l’ancienne république autonome de Crimée) et la ville de Sébastopol, anciennement ukrainiennes, deviennent deux nouveaux sujets de la fédération de Russie.
Le 28 mars 2014, la Russie annonce qu'elle va augmenter de 80 % le prix du gaz naturel que paie l'Ukraine, ressource dont elle est très dépendante92. Le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk qualifie cette décision d'« inacceptable » et accuse la Russie de vouloir s'« emparer de l'Ukraine par une agression économique », après que « la Russie a été incapable de s'emparer de l'Ukraine militairement »
En représailles, les autorités de Kiev annoncent le 26 avril qu'elles vont fermer les vannes du canal de Crimée du nord, qui assure 85 % des besoins en eau de la péninsule. La Crimée envisage de forer de nouveaux puits pour assurer ses besoins de façon autosuffisante.
25 mai 2014 : élection du pro-européen Petro Porochenko à la présidentielle ukrainienne
Le conflit du Donbass gagne en intensité lorsque, début mai 2014, l’armée ukrainienne lance une grande opération militaire afin de reprendre les villes contrôlées par les sécessionnistes. L’élection présidentielle de mai 2014 porte Petro Porochenko, soutien de la révolution de Maïdan, au pouvoir dès le premier tour.
Il propose le 20 juin 2014 un plan de paix, mais le cessez-le-feu n’est pas respecté et les actions militaires s’accentuent. Petro Porochenko interdit également toute coopération avec la Russie et s’oppose à un rétablissement des liens diplomatiques (quasiment rompus dès son arrivée au pouvoir) avec Vladimir Poutine sans retour de la Crimée sous l’autorité de l’Ukraine.
6 juin 2014 : premier entretien au “format Normandie”
François Hollande, Angela Merkel, Vladimir Poutine et Petro Porochenko se rencontrent en Normandie à l’occasion du soixante-dixième anniversaire du débarquement allié. Il s’agit de la première réunion entre le président russe et son homologue ukrainien depuis l’éclatement du conflit à l’est de l’Ukraine. Ces rendez-vous quadripartites (“format Normandie”) entre la France, l’Allemagne, la Russie et l’Ukraine se succéderont en vue de poser les bases d’un cessez-le-feu.
27 juin 2014 : l’Ukraine signe un accord de libre-échange avec l’Union européenne
Après un premier volet politique signé en mars 2014, l’accord d’association entre l’Ukraine et l’UE est conclu le 27 juin 2014 avec la signature de son volet économique. Ce traité engage l’Union et l’Ukraine à coopérer sur leurs politiques économiques et à établir des règles communes (droits des travailleurs, suppression des visas, accès à la Banque européenne d’investissement…). La Russie prévient, par la voix d’un haut diplomate russe, que l’accord aura de “graves conséquences”. Il est ratifié par l’Union européenne le 11 juillet 2017 et entre définitivement en vigueur le 1er septembre suivant.
17 juillet 2014 : crash du vol MH17 abattu dans la région de Donetsk
Début juillet 2014, l’armée ukrainienne reprend plusieurs villes de la région de Donetsk et repousse les pro-russes. Le Boeing 777 de la compagnie Malaysia Airlines, assurant le vol MH17, est abattu au[1]dessus de la région par un missile, tuant les 298 passagers dont deux tiers de Néerlandais. Si les différentes parties au conflit s’accusent mutuellement de l’origine du tir, l’hypothèse d’un type de missile sol-air que les séparatistes savent utiliser prévaut. La crise s’internationalise, les Etats-Unis menaçant Moscou de sanctions. Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunit et demande l’ouverture d’une enquête internationale. Le parquet néerlandais affirmera le 28 septembre 2016 que le missile a bien été tiré depuis le territoire contrôlé par les séparatistes, et que le matériel de tir a été acheminé depuis la Russie. Le 24 mai 2018, les enquêteurs internationaux parviendront à la même conclusion.
5 septembre 2014 : signature du protocole de Minsk
Alors que la situation devient critique jusqu’à la fin du mois d’août 2014 - l’ONU dénombre plus de 1 100 morts et plus de 3 400 blessés en Ukraine seulement entre la mi-avril et la fin du mois juillet 2014, un accord de cessez-le-feu immédiat est conclu dans la capitale biélorusse entre les représentants de l’Ukraine, de la Russie, de la République populaire de Donetsk et de la République populaire de Louhansk : c’est le protocole de Minsk. Mais celui-ci est violé au bout de quelques jours, les combats reprenant sans trêve.
11 février 2015 : accord de paix “Minsk II”
Les dirigeants de l’Ukraine, de la Russie, de l’Allemagne et de la France se réunissent de nouveau en Biélorussie avec son chef de l’Etat Alexandre Loukachenko afin d’imposer un nouveau cessez-le-feu, qui doit être effectif à partir du 15 février 2015. En plus du cessez-le-feu, l’accord comprend des mesures telles que le retrait des armes lourdes de chaque côté, l’échange de prisonniers, la restauration des frontières de l’Ukraine ou encore le retrait des troupes étrangères.
Mais si les combats d’envergure cessent, des affrontements de moindre ampleur se poursuivent néanmoins dans l’est sécessionniste : le 13 avril 2015, les ministres des Affaires étrangères des quatre pays signataire de “Minsk II” font part de leur inquiétude devant la recrudescence des violations du cessez-le-feu et la constatation de combats autour du port de Marioupol, convoité par les sécessionnistes.
Les périodes de trêves succèdent aux combats, avec des cessez-le-feu régulièrement signés mais aussitôt enfreints. A titre d’exemple, le 19 octobre 2016, un nouveau sommet se tient entre Moscou, Kiev, Paris et Berlin, mais l’on constate que le conflit est gelé et qu’il donne lieu à des violences et à des affrontements fréquents dans le Donbass entre l’armée ukrainienne et les séparatistes… De nombreuses violations du cessez-le-feu sont observées.
25 novembre 2018 : affrontements en mer Noire entre navires russes et ukrainiens
Les accords de Minsk sont de nouveau fragilisés par un attentat : le séparatiste prorusse Alexandre Zakhartchenko, dirigeant de l’autoproclamée République populaire de Donetsk, est tué par l’explosion d’une bombe le 31 août 2018. Les séparatistes et la Russie attribuent la responsabilité de cet assassinat aux services ukrainiens. Par la suite, le 25 novembre se produit l’incident du détroit de Kertch : la marine russe ouvre le feu sur des navires ukrainiens, qui sont arraisonnés par les Russes, et capture les marins ukrainiens. Moscou affirme que ces navires se trouvaient dans les eaux territoriales de la Crimée. Cet incident illustre le fait que les Russes veulent prendre le contrôle de la mer Noire à proximité de la Crimée et près du port de Marioupol. Le lendemain, M. Porochenko instaure la loi martiale dans les régions frontalières de la Russie pour une durée de 30 jours.
21 avril 2019 : élection de Volodymyr Zelensky à la présidence ukrainienne
Durant sa campagne, l’acteur et humoriste Volodymyr Zelensky fait campagne contre la corruption, tout en affichant une ligne moins virulente que le président sortant Porochenko vis-à-vis de la Russie. Il prône un cessez-le-feu dans le Donbass mais aussi l’organisation d’un référendum sur l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan. Elu président le 21 avril 2019, il promet de relancer les discussions diplomatiques avec Moscou au sujet de la guerre du Donbass. Mais trois jours après seulement, Vladimir Poutine autorise la délivrance de passeports russes à des habitants des régions de Donetsk et de Louhansk, une décision qui va à l’encontre des accords de Minsk. Le 1er octobre, les représentants ukrainiens et russes de nouveau réunis en Biélorussie s’accordent sur l’organisation d’élections dans les régions séparatistes d’Ukraine et l’octroi d’un statut spécial aux territoires du Donbass. Le 6 octobre, des manifestations importantes ont lieu à Kiev et dans d’autres grandes villes pour dénoncer ce qui est perçu comme un abandon face à la Russie.
9 décembre 2019 : nouvelle rencontre au “format Normandie”
La première rencontre officielle entre Vladimir Poutine et Volodymyr Zelensky, aux côtés d’Emmanuel Macron et d’Angela Merkel, vise de nouveau à relancer la mise en œuvre des accords de paix “Minsk II”. Les dirigeants russe et ukrainien s’accordent ainsi sur l’échange de tous les prisonniers avant la fin de l’année 2019, sur une démilitarisation de points de la ligne de front et sur l’ouverture de points de passage entre les régions séparatistes et le reste de l’Ukraine. Quelques jours plus tard, le 29 décembre, un échange d’environ deux cents prisonniers a lieu entre Kiev et les sécessionnistes.
31 décembre 2019 : accord sur le gaz entre la Russie et l’Ukraine
Signe d’une détente qui se confirme et d’un certain apaisement de leurs relations, Moscou et Kiev concluent un accord pour le transit du gaz russe à travers l’Ukraine, qui garantit l’approvisionnement de l’Europe en gaz pour cinq années supplémentaires. Cet accord avait été auparavant menacé, en 2009, lors d’une crise majeure à ce sujet lorsque Kiev et la société russe Gazprom ne parvenaient pas à se mettre d’accord sur le prix à payer pour le gaz (Gazprom avait alors réduit, puis même stoppé les livraisons de gaz à l’Ukraine). Par ailleurs, la construction du gazoduc Nord Stream 2 reliant la Russie et l’Allemagne à travers la mer Baltique doit permettre l’exportation du gaz russe vers l’Europe, qui en est particulièrement dépendante, par d’autres voies.
22 juillet 2020 : nouvel accord de cessez-le-feu aussitôt rompu
L’Ukraine et la Russie signent un nouvel accord de cessez-le-feu dans le Donbass. Il est cependant violé quelques minutes après son entrée en vigueur le 27 juillet par des tirs provenant des territoires séparatistes contre les militaires ukrainiens.
Le long de la ligne de contact entre les positions ukrainiennes et séparatistes, une atmosphère de « ni paix, ni guerre » règne depuis février 2015.
Militairement parlant, la guerre dans le Donbass est avant tout une guerre d’attrition de basse intensité à mesure que le conflit s’enfonce inexorablement dans une phase de conservation et de maintien en l’état.
La fermeture de la saillie de Debalsteve, juste après la signature des Accords de Minsk 2 en février 2015, a marqué la dernière opération militaire d’envergure menée par les forces séparatistes et a provoqué la fixation de la ligne de front sur les positions actuelles.
Depuis, et principalement en 2016, on a pu observer la conduite de multiples opérations offensives de « grignotage » de la ligne de front, aussi bien du côté ukrainien que du côté séparatiste, visant à récupérer quelques centimètres carrés de terrain le long des positions les plus stratégiques.
Cette phase tactique du conflit a été stoppée net par la « bataille d’Avdiivka » (28 janvier-5 février 2017), au cours de laquelle les forces séparatistes ont tenté, en vain, de prendre le contrôle de la localité d’Avdiivka – dont l’usine de charbon et le nœud ferroviaire dans la région de Donetsk en font un point d’appui logistique important.
Moscou a une pleine responsabilité dans la continuation des hostilités et l’instrumentalisation des territoires séparatistes, en armant les séparatistes et en envoyant des mercenaires pour attiser les tensions.
Face à cette inextricable situation, l’OSCE, dont la Mission spéciale est en charge du suivi de l’application du cessez-le-feu et du retrait des armes lourdes et des troupes, reste très limitée dans son action et n’est pas en mesure d’accéder à l’intégralité des territoires sécessionnistes, et au final incapable de mener à bien sa mission de contrôle objectif du retrait effectif.
Les proto-entités séparatistes sont organisées sous la forme d’un système mafieux basé sur la prédation des ressources existantes, la captation des subsides de Moscou (qui représentent près des deux tiers des budgets des territoires), la nationalisation forcée et l’exploitation des entreprises locales, les trafics illégaux, les réseaux de corruption et de taxation, etc. Cette situation est le corollaire d’une paupérisation massive du Donbass, qui ne survit que grâce au développement de cette économie de guerre. Une accélération de la violence interne est observée entre les « seigneurs de guerre » et les forces « officielles », qui n’ont pas les moyens militaires suffisants pour reprendre le contrôle de ces bastions criminels. À cela s’ajoutent la déliquescence institutionnelle et l’impossibilité de créer des structures proto-étatiques viables.
Moscou n’a qu’un pouvoir partiel sur les séparatistes. Evidemment, Des unités du renseignement militaire (GRU) et des services de sécurité (FSB) russes y mènent régulièrement des opérations de mise au pas des bataillons rebelles ainsi que des assassinats ciblés et autres opérations de « nettoyage » dans les rangs des troupes séparatistes.
Environ 4 100 membres des forces ukrainiennes et environ 5 650 membres de groupes armés pro[1]russes sont morts depuis le début de ce conflit dans le Donbas.
Le nombre de civils décédés, dans les deux camps également, étant estimé à 3 350 et non 14000 comme le dit la propagande russe
Avril 2021 : mobilisation de troupes russes aux frontières ukrainiennes
Le 1er avril, le président Volodymyr Zelensky accuse la Russie de masser des troupes aux frontières de l’Ukraine, alors que les violations du cessez-le-feu se multiplient dans le Donbass. Les Occidentaux dénombrent 100 000 soldats russes, des manœuvres que la Russie considère comme une réponse à l’Otan et aux “provocations” ukrainiennes (cela fait notamment référence au fait que l’Ukraine affiche sa volonté d’adhérer à l’Otan). Pour Moscou, en réponse aux accusations de Kiev sur l’hypothèse de la préparation d’une invasion en Ukraine, il s’agit simplement de manœuvres en réponse à des “exercices” de l’Otan et des Etats-Unis en Europe. Le 6 avril, Volodymyr Zelensky change de ton vis-à-vis de la Russie - alors qu’il a un temps prôné le dialogue avec elle - et déclare que l’adhésion de son pays à l’Otan est la seule façon de mettre un terme à la guerre du Donbass. Il se déclare également favorable à une entrée de son pays dans l’Union européenne.
Novembre 2021 : les Occidentaux craignent une offensive russe en Ukraine
Les inquiétudes des Américains et des Européens vis-à-vis des mouvements de troupes russes s’accroissent. Ils craignent un risque imminent d’escalade et d’invasion en Ukraine. En effet, des images satellites publiées début novembre montrent des chars russes et autres véhicules blindés à proximité de la frontière ukrainienne. Pour se défendre de ces mouvements de troupes, le président Vladimir Poutine accuse les Occidentaux de livrer des armes à Kiev et de mener des manœuvres militaires en mer Noire.
7 décembre 2021 : échange entre Joe Biden et Vladimir Poutine
Le 7 décembre, lors d’un échange avec le président américain Joe Biden, le président russe dénonce la volonté de Kiev de rejoindre l’Otan, et demande des “garanties juridiques sûres” contre l’élargissement de l’Alliance atlantique en Ukraine. La Russie exige ainsi à la fois le bannissement de tout nouvel élargissement de l’Otan et le retrait de ses forces dans les pays de l’ex-URSS. Joe Biden, qui se dit prêt à s’impliquer dans la réactivation des accords de Minsk (dont le processus de règlement est à l’arrêt depuis fin 2020), prévient néanmoins qu’une offensive militaire russe entraînerait de lourdes sanctions ainsi qu’un renforcement du soutien américain à l’Ukraine, aux pays baltes, à la Pologne et à la Roumanie.
16-17 décembre 2021 : les Vingt-Sept font front commun face à la menace russe
Le 17 décembre, Moscou publie deux projets de traités en vue d’être signés avec les Etats-Unis et l’Otan, dont les revendications sont les suivantes : les pays membres de l’Otan avant son élargissement en 1997 doivent s’engager à ne pas déployer d’armes sur d’autres territoires européens à l’est ; l’Otan doit s’engager à n’intégrer ni l’Ukraine, ni la Géorgie. De leur côté, les Européens s’entretiennent aussi diplomatiquement avec la Russie mais se montrent fermes et la menacent de nouvelles sanctions économiques qui auront de “lourdes conséquences” en cas de nouvelle agression militaire de l’Ukraine.
Lors du Conseil européen des 16 et 17 décembre, les Vingt-Sept réaffirment la souveraineté du pays et leur soutien. Par ailleurs, lors de la rencontre des ministres européens de la Défense et des Affaires étrangères du 12 au 14 janvier 2022, le chef de la diplomatie de l’UE Josep Borell déclare que les revendications russes pour résoudre le conflit contreviennent aux principes de l’architecture de sécurité européenne.
24-26 janvier 2022 : réponses occidentales aux revendications russes
Entretemps, l’Otan annonce placer des troupes en alerte pour renforcer ses défenses en Europe de l’Est. Le 24 janvier, le président américain Joe Biden assiste à une réunion en visioconférence avec plusieurs dirigeants européens. A l’issue de cette discussion, les Occidentaux appellent la Russie à prendre des mesures de désescalade dans le conflit ukrainien, rappelant que Moscou devra faire face à des “conséquences massives” si elle attaquait à nouveau l’Ukraine. Face aux exigences russes de retrait des forces de l’Otan d’Europe orientale et de l’assurance que l’Ukraine ne rejoindra jamais l’Alliance atlantique, cette dernière ainsi que les Etats-Unis refusent explicitement ces demandes le 26 janvier 2022. Le secrétaire général de l’Otan rappelle que les questions d’adhésion relevaient uniquement de la responsabilité des Alliés et des pays candidats.
Début février 2022 : la France et l’Allemagne tentent d’apaiser les tensions et un espoir de désescalade s’ensuit
Une nouvelle étape dans le dialogue a lieu d’abord le 7 février lorsque le président Emmanuel Macron rencontre Vladimir Poutine pour discuter de solutions afin de résoudre la crise. Les deux dirigeants affichent alors leur volonté commune d’éviter la guerre et de trouver des compromis. Le chef d’Etat français propose des garanties concrètes de sécurité, dont certaines sont jugées bonnes par le président russe. De la même façon, le chancelier allemand Olaf Scholz se rend à Kiev le 14 février et à Moscou le 15 février pour tenter d’obtenir de la part de Moscou des actes immédiats de désescalade. Alors que la situation paraît très tendue, et que les services secrets américains redoutent une offensive russe le 16 février, Moscou annonce la veille contre tout attente le retrait de militaires russes positionnés à la frontière entre la Biélorussie et l’Ukraine. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen avertit tout de même le 16 février que l’Otan ne voit pas encore de signes de réduction des troupes russes et que si Moscou choisissait la violence, les Européens répondraient de manière unie et forte.
21 février 2022 : la Russie reconnaît l’indépendance de Donetsk et de Louhansk et entre sur les territoires séparatistes
Alors que la présidence de la République française annonce le 20 février 2022 que les présidents russe et américain avaient accepté de se rencontrer, Vladimir Poutine signe finalement l’acte de reconnaissance le lendemain des deux territoires séparatistes du Donbass en Ukraine : la République populaire de Donetsk et la République populaire de Louhansk. Dans la nuit du 21 au 22 février, des véhicules blindés et des troupes russes pénètrent dans l’est de l’Ukraine sous couvert de maintien de la paix.
L’Europe, les Etats-Unis, l’ONU et la majorité des membres du Conseil de sécurité condamnent cette décision de la Russie, considérée comme une violation du droit international. Les Etats-Unis et l’Union européenne annoncent de nouvelles sanctions à l’encontre de Moscou et la mise en service du gazoduc Nord Stream 2 est suspendue par l’Allemagne. L’Union européenne décide sans attendre de cibler la capacité de la Russie à accéder aux marchés des capitaux et services financiers européens ainsi que les banques qui ont contribué à financer les opérations militaires russes dans le Donbass.
24 février 2022 : la Russie attaque l’Ukraine, l’UE réplique par de lourdes sanctions
Le 24 février, une étape sans précédent est franchie par la Russie. Vladimir Poutine annonce en effet une opération militaire d’envergure sur le territoire ukrainien dans l’objectif, selon lui, de défendre les séparatistes du Donbass. Cette fois-ci, Moscou ne s’arrête pas à l’est de l’Ukraine puisque de puissantes explosions frappent plusieurs grandes villes, et notamment la capitale Kiev. À la suite de cette déclaration de guerre, le président Volodymyr Zelensky instaure la loi martiale dans son pays et la communauté internationale condamne cette agression inédite.
Dans la foulée, des dizaines de milliers d’Ukrainiens se pressent aux frontières et tentent de fuir leur pays. Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE se réunissent le 24 février au soir pour un Conseil européen extraordinaire. Face à Moscou, les Vingt-Sept se mettent d’accord sur les mesures de rétorsion les plus sévères jamais mises en œuvre par l’Union européenne : sanctions financières réduisant l’accès aux marchés de capitaux européens (pour atteindre le marché bancaire russe et les principales entreprises publiques), interdiction d’exportation touchant le pétrole ou encore gel des avoirs de Vladimir Poutine…
27 février 2022 : Vladimir Poutine brandit la menace nucléaire tandis que l’UE finance l’envoi d’armes à l’Ukraine
Alors que nous sommes seulement au quatrième jour de l’offensive russe en Ukraine, le chef du Kremlin Vladimir Poutine annonce à la télévision russe mettre les “forces de dissuasion (nucléaire) de l’armée russe en régime spécial d’alerte au combat” (d’autant que la Russie possède le plus important arsenal nucléaire au monde) afin de répondre aux réactions des Occidentaux et des puissances de l’Otan.
En parallèle, pour la première fois de leur histoire, l’UE approuve le financement d’envoi d’armes à l’Ukraine, à travers la Facilité européenne pour la paix. Ainsi, 450 millions d’euros d’armement seront financés, de même que 50 millions d’euros d’équipements de protection et de carburant.
Cette décision s’accompagne de sanctions renforcées à l’égard de la Russie. De manière coordonnée avec les Etats-Unis, le Canada et le Royaume-Uni, les Etats membres donnent leur feu vert à la déconnexion de plusieurs banques russes du système bancaire Swift. Ce qui devrait compliquer très fortement leurs transactions, et notamment leur capacité à échanger des capitaux à l’international. Toutes les banques ne sont cependant pas concernées, en particulier celles liées au commerce du gaz, dont dépendent beaucoup d’Etats européens. En complément de cette mesure de rétorsion s’ajoute le gel des avoirs de la Banque centrale russe hors de Russie.
L’espace aérien de l’Union est par ailleurs fermé à l’aviation russe. Également, afin de lutter contre la désinformation organisée par le Kremlin, les Vingt-Sept donnent leur accord à l’interdiction de diffusion au sein de l’UE des médias Russia Today et Sputnik. Enfin, la Biélorussie, Etat allié de la Russie et d’où l’invasion de l’Ukraine a en partie été lancée, est elle aussi sanctionnée par les Européens, avec les secteurs phares de son économie (hydrocarbures, tabac, ciment, fer et acier) interdits d’exportation vers l’UE. Des sanctions individuelles visant des responsables liés à l’invasion de l’Ukraine sont aussi décidées.
28 février 2022 : l’Ukraine fait une demande d’adhésion à l’UE
Alors que l’objectif d’une intégration à l’UE est inscrit dans la constitution ukrainienne depuis février 2019, et que le président Volodymyr Zelensky exhorte depuis plusieurs mois les Européens à faire adhérer l’Ukraine à l’UE, Kiev signe officiellement une demande d’adhésion. Un jour plus tôt, Ursula von der Leyen s’est prononcée en faveur de cette perspective d’adhésion à terme de l’Ukraine : “ils sont des nôtres et nous les voulons parmi nous”. La demande formelle d’entrée de l’Ukraine dans l’UE est signée par Volodymyr Zelensky, le Premier ministre Denys Chmyhal et le président du Parlement Rouslan Stefantchouk. Le chef d’Etat ukrainien souhaite une intégration “sans délai” via “une nouvelle procédure spéciale” pour bénéficier de ce statut qui assurerait une protection à son pays. A ce sujet, le président du Conseil européen Charles Michel explique qu’un avis officiel de la Commission ainsi qu’un accord unanime des Vingt-Sept sont nécessaires.
Le lendemain, le 1er mars, Volodymyr Zelensky s’exprime devant le Parlement européen en visioconférence. Il appelle l’UE à “prouver” qu’elle soutient son pays. “L’Ukraine a fait son choix : le choix de l’adhésion à l’Europe. Et je voudrais qu’aujourd’hui vous confirmiez le choix de l’Europe d’accepter l’Ukraine. […] Sans vous, l’Ukraine sera seule. Nous avons prouvé notre force, nous avons montré que nous sommes vos égaux.”, déclare M. Zelensky. Son allocution est saluée par une ovation des eurodéputés, qui approuvent très majoritairement (637 voix pour, 13 contre et 26 abstentions) une résolution demandant “aux institutions de l’Union de faire en sorte d’accorder à l’Ukraine le statut de candidat à l’Union européenne”.
Pendant ce temps, la guerre fait rage. Le 28 février, l’Onu compte 102 civils tués depuis le début de l’invasion russe, dont 7 enfants, ainsi que 304 blessés, tout en avertissant que les chiffres réels sont sans doute considérablement plus élevés. En outre, plus de 500 000 réfugiés ont déjà fui l’Ukraine.
2 mars 2022 : l’ONU adopte une résolution contre la guerre en Ukraine et exige le retrait des forces russes
Alors que la guerre se poursuit depuis bientôt une semaine en Ukraine, l’Assemblée générale des Nations unies adopte à la grande majorité de ses membres (141 pays sur 193 ont voté pour) une résolution qui “exige que la Russie cesse immédiatement de recourir à la force contre l’Ukraine” et qui “condamne la décision de la Russie d’accentuer la mise en alerte de ses forces nucléaires”. A noter que seulement quatre Etats ont ouvertement soutenu Moscou en votant contre cette résolution : la Biélorussie, la Corée du Nord, l’Erythrée et la Syrie. 35 pays, tels que la Chine et l’Inde, se sont par ailleurs abstenus.
Le lendemain, à l’issue d’un nouvel entretien téléphonique avec Vladimir Poutine, le président français Emmanuel Macron assure que “le pire est à venir”, en raison de la “très grande détermination” du chef d’Etat russe à prendre le contrôle de l’ensemble de l’Ukraine.
4 mars 2022 : un incendie est provoqué sur le site de la plus grande centrale nucléaire d’Europe en Ukraine
Quelques jours seulement après la menace brandie par Vladimir Poutine de recourir à son arsenal nucléaire, Kiev accuse Moscou d’avoir recours à la “terreur nucléaire” en Ukraine. Cette accusation fait notamment suite à un incendie dans la plus grande centrale atomique d’Europe, située à Zaporijia dans le centre du pays, provoqué par des frappes de l’armée russe dans la nuit du 3 au 4 mars 2022. L’incendie a cependant pu être éteint après l’intervention des pompiers ukrainiens et les niveaux de radioactivité n’ont pas augmenté sur le site de la centrale. Mais les craintes d’un accident nucléaire lié au conflit demeurent en Ukraine, qui compte au total 15 réacteurs sur son territoire.
Le lendemain, un bilan humain est publié par le Haut-Commissariat de l’Onu aux droits de l’homme (HCDH) qui indique avoir recensé 351 victimes civiles depuis le début de l’offensive russe. Le bilan compte également 707 blessés. La plupart de ces victimes sont causées par des bombardements d’artillerie lourde et des tirs de missiles terrestres et aériens dans les villes ukrainiennes. Encore une fois, le HCDH prévient que les chiffres réels sont sans doute considérablement plus élevés. En parallèle, en seulement dix jours, plus de 1,3 million de personnes ont fui l’Ukraine selon les chiffres de l’Onu.
8 mars 2022 : la Chine soutient la volonté d’aboutir à un cessez-le-feu ; les sanctions à l’encontre de Moscou sont renforcées
Au cours d’un entretien téléphonique avec le président Emmanuel Macron et le chancelier allemand Olaf Scholz, le chef d’Etat chinois Xi Jinping apporte son soutien à l’action de la France et de l’Allemagne pour aboutir à un cessez-le-feu en Ukraine ainsi qu’à la garantie d’un accès à l’aide humanitaire pour les populations. Il souligne l’importance des principes de souveraineté et d’intégrité territoriale.
Le même jour, le président ukrainien Volodymyr Zelensky tempère son positionnement vis-à-vis d’une entrée de son pays dans l’Otan, perspective constituant une ligne rouge pour la Russie. Dans un entretien, le dirigeant affirme ne plus vouloir insister sur l’obtention d’une adhésion de l’Ukraine à l’Alliance atlantique. Il se dit également prêt à “trouver un compromis” sur le statut des territoires séparatistes pro-russes de l’est du pays, dont l’indépendance a été reconnue par Vladimir Poutine.
Ce 8 mars également, les Etats-Unis et le Royaume-Uni décident de sanctionner à nouveau Moscou en imposant un embargo sur les importations de pétrole et de gaz russes. Une décision qui n’est pas répliquée par l’UE, encore très dépendante des hydrocarbures russes. Le lendemain, l’Union européenne annonce en revanche de nouvelles mesures pour sanctionner la Russie ainsi que la Biélorussie. Les Vingt-Sept ajoutent des dirigeants et oligarques russes à leur “liste noire”, élargissent la liste des technologies (notamment destinées au secteur maritime) et des biens qui ne peuvent pas être exportés vers la Russie et débranchent trois banques biélorusses du système financier Swift.
La Commission européenne propose un plan pour accroître l’indépendance énergétique de l’UE
Le 9 mars, alors que les combats font toujours rage en Ukraine et que plusieurs villes du pays sont bombardées, Kiev et Moscou s’entendent pour respecter une série de cessez-le-feu dans plusieurs zones de combat afin d’évacuer des civils, par le biais de couloirs humanitaires.
11 mars 2022 : l’UE écarte une intégration rapide de l’Ukraine
Alors qu’ils sont réunis en sommet à Versailles les 10 et 11 mars, les 27 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne excluent une adhésion rapide de l’Ukraine à l’UE, comme l’avait demandé le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Celui-ci avait appelé à une intégration accélérée via une “nouvelle procédure spéciale”. Toutefois, les Vingt-Sept se mettent d’accord pour resserrer les liens de l’UE avec l’Ukraine en renforçant notamment l’assistance politique et financière accordée à Kiev.
Dans le même temps, la catastrophe humanitaire se poursuit en Ukraine, comme en témoigne la barre franchie des 2,5 millions de réfugiés (selon les chiffres de l’Onu), seulement deux semaines après le début du conflit. Selon le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugiés Filippo Grandi, il s’agit du flux le plus rapide en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Le nombre de civils tués témoigne aussi de cette situation, la ville de Marioupol, assiégée par l’armée russe, ayant notamment établi un bilan provisoire de 1 207 morts parmi sa population civile au 9 mars.
13 mars 2022 : l’armée russe bombarde une base militaire ukrainienne près de la frontière polonaise
Une base militaire dans l’ouest de l’Ukraine, à Yavoriv, est prise pour cible par l’armée russe, dans une attaque causant la mort d’au moins 35 personnes et plus de 130 blessés. Le terrain d’entraînement pour les forces ukrainiennes où elle a lieu se situe à peine à une vingtaine de kilomètres de la Pologne, membre de l’UE et de l’Otan. La guerre semble alors se rapprocher dangereusement des pays faisant partie de l’Alliance atlantique. A plusieurs reprises, le secrétaire général de l’organisation Jens Stoltenberg et les Etats-Unis ont affirmé qu’ils voulaient éviter un conflit direct contre Moscou.
En parallèle, les villes stratégiques de Kiev et de Marioupol sont toujours assiégées et encerclées par les forces armées russes et le bilan humain ne cesse de s’alourdir. Alors que le port de Marioupol n’est toujours pas accessible, les associations humanitaires craignent un “scénario du pire”, comme en alerte la Croix-Rouge. Toutefois, une nouvelle session de négociations se tient le lundi 14 mars entre Moscou et Kiev : un négociateur russe évoque des “progrès significatifs” et l’Ukraine indique que la Russie cesse de poser “des ultimatums”. Mais l’armée russe n’exclut pas de lancer de nouveaux assauts pour prendre le “contrôle total” des grandes villes ukrainiennes.
16-17 mars 2022 : la Russie est exclue du Conseil de l’Europe et est accusée de “crimes de guerre”
Alors qu’elle avait déjà été suspendue du Conseil de l’Europe au lendemain de l’offensive menée contre l’Ukraine, la Fédération de Russie est exclue le mercredi 16 mars de l’organisation internationale en raison de son “agression injustifiée et non provoquée”. Avant cette exclusion, la Cour de Strasbourg comportait 47 pays comptant 830 millions de personnes. A partir de cette date, les citoyens russes n’ont donc plus accès à la Cour européenne des droits de l’homme pour protéger leurs droits fondamentaux.
Dans le même temps, au 22ème jour du conflit en Ukraine, un bombardement russe intervient le 16 mars sur un théâtre de Marioupol abritant des centaines de civils et des tirs d’artillerie russes sont effectués près de Kharkiv, causant au moins 21 morts et 25 blessés. Alors que Moscou multiplie ainsi les attaques contre les civils et les zones résidentielles en Ukraine, les Américains et les Européens dénoncent ces violations du droit international. En effet, l’UE et les Etats-Unis condamnent le 17 mars les “crimes de guerre” que la Russie commet en Ukraine. Josep Borrell déclare que les attaques contre les populations civiles perpétrées par le Kremlin constituent de “graves violations du droit international humanitaire” et que les auteurs de ces “crimes de guerre” seront tenus responsables. Dans le même temps, Joe Biden qualifie pour la première fois Vladimir Poutine de “criminel de guerre”.
En ce qui concerne l’évolution du conflit, même si la Russie a déjà conquis plusieurs dizaines de milliers de kilomètres carrés du territoire ukrainien, les fronts apparaissent figés et l’offensive russe bloquée. Après quatre semaines de guerre, le Kremlin essuie des revers tactiques importants et l’objectif d’une défaite de l’Ukraine en quelques jours est désormais hors d’atteinte. En effet, pour le moment, aucune des grandes villes du pays n’est occupée par la Russie. Le colonel et historien français Michel Goya analyse dans la revue Le Grand Continent au vingtième jour du conflit que “les forces russes n’ont plus lancé d’attaques de grande ampleur depuis le 4 mars”, tout en précisant qu’on “a l’impression que l’armée russe s’est obstinée à poursuivre un mauvais plan jusqu’à se retrouver imbriquée, dispersée et bloquée devant les localités”.
20 mars 2022 : 10 millions d’Ukrainiens ont dû fuir la guerre
Le 20 mars, le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés déclare qu’au moins 10 millions de personnes ont déjà dû fuir leurs foyers en Ukraine depuis le début de la guerre, moins d’un mois après son déclenchement. Un nombre qui représente près du quart de la population du pays. Sur ces 10 millions d’exilés, plus de 3,4 millions ont traversé les frontières ukrainiennes et ont été accueillis pour la plupart dans des pays européens. Première destination pour les réfugiés ukrainiens, la Pologne en compte plus de deux millions s’étant installés sur son territoire ou y ayant transité.
Une importante séquence diplomatique s’ouvre en Europe avec la juxtaposition de sommets de l’Otan et du G7 le 24 mars à Bruxelles, puis le Conseil européen les 24 et 25 mars, également dans la capitale belge. Des réunions auxquelles participe le président américain Joe Biden.
Le sommet de l’Alliance atlantique est l’occasion de discuter des moyens mis en place pour mieux prévenir la menace russe en Europe ainsi que de l’aide militaire fournie à l’Ukraine. Les dirigeants des 30 pays membres de l’Otan entérinent la création de quatre nouveaux groupements tactiques à l’est de l’Europe. Des forces opérationnelles seront ainsi déployées en Roumanie, en Bulgarie, en Hongrie et en Slovaquie. Les alliés conviennent en outre d’envoyer des équipements à l’Ukraine pour la protéger des risques “NRBC” : nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques.
Plus tard dans la journée du 24 mars, les pays membres du G7 se disent prêts à mettre en œuvre des sanctions supplémentaires contre la Russie, et indiquent qu’ils sanctionneront les transactions qui impliquent les réserves d’or de cette dernière, afin de l’empêcher de contourner les mesures restrictives déjà en vigueur.
Enfin, le Conseil européen, qui se tient après les sommets de l’Otan et du G7, voit les chefs d’Etat et de gouvernement des Vingt-Sept adopter la boussole stratégique, “livre blanc” visant à définir les grandes orientations de la sécurité et de la défense européennes jusqu’en 2030. Un document qui témoigne de la volonté des Etats membres de renforcer la protection de l’UE face aux menaces externes, dont celles de la Russie. Pour réduire leur dépendance énergétique vis-à-vis de Moscou et l’isoler davantage, les Européens s’accordent pour signer un nouveau partenariat avec les Etats-Unis afin d’importer davantage de gaz naturel liquéfié américain. La Commission européenne reçoit aussi mandat des Vingt-Sept pour réaliser des achats groupés de gaz, pour limiter son coût en Europe. Dans leurs conclusions, les pays de l’UE affirment par ailleurs leur détermination à assurer l’approvisionnement en gaz et en électricité de l’Ukraine.