‘‘ ILS ’’ ce paravent des racistes de tout poil, mais aussi du pouvoir quand ça l’arrange !
« ILS », les juifs, les musulmans, les gilets jaunes, les noirs, les gens du voyage, les chômeurs, … on pourrait continuer, la liste serait très très longue. En globalisant, on crée le racisme, la discrimination, la haine mais aussi le discrédit de l’opposition sociale ou politique.
RACISME et DISCRIMINATIONS
Parce qu’il y a des grands capitalistes banquiers juifs, des musulmans intégristes, des gilets jaunes antisémites, des noirs ‘noirs’, des gens du voyage voleurs, des chômeurs qui ne cherchent pas de travail, tous, un jour ou l’autre, avons utilisé ce « ILS » pour stigmatiser une partie de la population. Certes tous les noirs sont noirs, c’est très bien ainsi ! Mais la très grande majorité des citoyens de confession juive ne sont pas des capitalistes banquiers, des musulmans ne sont pas des intégristes, des gens du voyage ne sont pas des voleurs, des chômeurs ne sont pas des tricheurs… La création de boucs émissaires attise haine et violence et est totalement improductive pour avancer ensemble.
‘Antisémitisme’ et ‘gilets jaunes’ : un exemple local récent
Mardi soir à Angers, lors de la manifestation pour dénoncer l’antisémitisme, des ‘Gilets jaunes’, venus en soutien à la manifestation, ont déployé une banderole « un autre monde est possible, humain, juste, solidaire » et pris un micro pour expliquer leur présence et dénoncer l’antisémitisme et le racisme. Ils se sont fait huer par une dizaine de personnes aux cris de « c'est une honte,...vous n'avez rien à..., dehors, dehors, dehors, raciste puis dehors, dehors » [propos enregistrés dans une vidéo de Ouest-France]. Il faut bien entendu dénoncer sans ambigüité et fermement l’antisémitisme de certains gilets jaunes. On peut aussi discuter d’une présence affichée avec micros dans une manifestation prévue silencieuse, mais on ne peut tolérer que des gens, même peu nombreux, venus dans une manifestation antiraciste veuillent en exclure d’autres au seul motif qu’ils portent un gilet jaune !
Heureusement, de nombreux citoyens ne tombent pas dans le piège et restent solidaires, par delà des divergences, pour dénoncer le racisme et les discriminations.
LE JEU DANGEREUX du POUVOIR
Malheureusement l’exemple vient parfois de nos gouvernants eux-mêmes qui n’hésitent pas à faire des amalgames quand cela les arrange politiquement.
Deux exemples de détournements de la lutte nécessaire contre le développement de l’antisémitisme en France :
‘Antisémitisme’ et ‘gilets jaunes’
Le 17 février, le président de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, écrit sur Twitter : « Les manifestations des gilets jaunes sont l’occasion d’actes d’antiparlementarisme, d’antisémitisme et d’atteintes à la liberté de la presse, négations des valeurs et des institutions de la République. Les cautionner ou y participer revient à en devenir complice et responsable. » De même le député La République en marche (LREM) Pieyre-Alexandre Anglade : « Ils se disent “le peuple” mais ils ne sont rien ! Rien d’autre que la haine, la bêtise et la honte ! Tellement lâches qu’ils crachent leur antisémitisme en meute. » Les mots sont forts puisqu’il s’agit là de créer un amalgame entre les auteurs de violences ou de propos antisémites et l’ensemble des participants aux défilés. Pourtant Jérôme Rodrigues, considéré comme l’un des porte-parole des gilets jaunes, sur la chaîne d’information LCI le 18 février déclare : « Je dénonce l’ensemble des propos [antisémites] qui sont tenus. Ça ne s’inscrit pas du tout dans ce que peuvent représenter les gilets jaunes. Quelle que soit la personne, quelle que soit sa croyance, quelles que soient ses idées, je ne cautionne pas du tout ce genre de propos. ».
Les gouvernants utilisent les amalgames pour tenter de juguler un mouvement social qu’ils ne contrôlent pas !
‘Antisémitisme’ et ‘Antisionisme’
« L’antisionisme est une des formes modernes de l’antisémitisme », a déclaré Emmanuel Macron avant d’annoncer que la France allait mettre en œuvre « la définition de l’antisémitisme élargie à l’antisionisme adoptée par l’Alliance internationale pour la mémoire de l’holocauste (IHRA) ». Définition qui a été notamment adoptée par Israël, à l’initiative de Benjamin Netanyahou.
On ne peut nier que le discours antisioniste a pu être utilisé comme bouclier par de véritables antisémites, pour se protéger de la loi. Mais peut-on pour autant assimiler tous les antisionistes qui défendent le droit des palestiniens à disposer d’un véritable Etat et qui condamnent la scandaleuse colonisation israélienne des territoires palestiniens à des antisémites[i] ? L’association UJFP, union juive française pour la paix, se déclare très clairement antisioniste (Voir ici)
Le président utilise un amalgame dangereux pour faire passer une ligne politique contestable à l’égard d’Israël
AVOIR une LIGNE DE CRÊTE et S’Y TENIR
Militant depuis trente ans à la ‘Ligue des Droits de l’Homme’, j’ai toujours trouvé dans cette association qui fête ses 120 ans, une ligne de conduite où défendre le droit collectif et individuel ne laissait aucune place aux amalgames et aux discriminations de quelque nature qu’ils soient.
Malheureusement parfois les amalgames et discriminations peuvent se nicher au cœur de combats justes par ailleurs.
Il nous faut donc garder la ligne de crête.
Paul Baumard, 23 février 2019
[i] Lire l’excellente tribune de Michel Tubiana : ‘‘Du bon usage de l’antisémitisme en politique’’