Evacuations forcées de lieux de vie occupés par des Roms (ou des personnes désignées comme telles) en France (3e trimestre 2017) - Recensement
Une augmentation significative des expulsions a été observée pendant la période estivale concernant 4 538 personnes, ce qui est deux fois plus élevé par rapport au trimestre précédent de 2017, pendant lequel 2011 personnes ont fait l’objet d’une expulsion.
Entre juillet et septembre 4 538 personnes ont été expulsées de 34 lieux de vie (bidonvilles ou squats) en France, dont 3 436 ont été expulsées de force par les autorités lors de 25 opérations ; 28 personnes ont fait l’objet d’une évacuation suite à un incendie et 1 074 personnes ont quitté leurs lieux de vie sous la pression d’une expulsion imminente. Ceci représente une forte augmentation du nombre de personnes ayant quitté leurs lieux de vie avant l’opération menée par les autorités visant à expulser les personnes. Ainsi 1 074 personnes ont quitté 8 lieux de vie avant l’arrivée de la police, ce qui est deux fois plus élevé par rapport au trimestre précédent (454 personnes). Il convient de noter que 6 de ces lieux de vie avaient fait l’objet d’une décision de justice ordonnant l’expulsion des habitants et deux lieux de vie étaient concernés par un arrêté municipal d’évacuation sous 48h pour cause d’insalubrité ou de dangerosité.
Durant le troisième trimestre 2017, le nombre d’expulsions fondées sur des arrêtés relatifs à la sécurité ou la salubrité publique pris par des maires ou des préfets a diminué : neuf ont été recensés. Néanmoins de telles expulsions sont fondées uniquement sur une décision administrative sans l’intervention du juge pour en apprécier, la légalité, l’utilité, les modalités et le calendrier.
Seulement 18 sur 34 opérations enregistrées pendant le troisième trimestre ont été accompagnées des mesures d’hébergement. Les familles et des individus expulsés ont été mis à la rue à la suite de 16 autres opérations ayant eu lieu pendant le troisième trimestre, dont 8 expulsions de force exécutées par les autorités conduites sans qu’aucune solution d’hébergement, même partielle, ne soit proposée aux personnes concernées. Les mesures de relogement adoptées par les autorités ne semblent pas être en accord avec les orientations fixées par la circulaire de 26 août 2012[1], qui prévoit une obligation pour les autorités d’un diagnostic préalable, ainsi que des réponses de relogement adaptées. Les « solutions » proposées par les autorités se limitent à des offres d’hébergement de courte durée (hébergement d’urgence ou une mise à l’abri) et sont proposées à seulement une partie des personnes expulsées, considérées comme vulnérables. Ces mesures semblent être inefficaces car elles ne prévoient pas de solutions de relogement pérennes pour faciliter l’accès au logement et l’hébergement ayant pour objectif d’apporter une réponse face au problème de mal-logement auquel sont confrontées les familles roms précaires partout en France. En conséquence elles retournent vivre dans des bidonvilles ou des squats où elles sont susceptibles de faire face à des nouvelles expulsions, les plongeant encore plus dans la pauvreté et la précarité. En outre l’absence de solutions de relogement pérennes et les expulsions à répétition conduisent à une migration forcée au sein d’un département ou une région ayant un impact négatif sur l’accès aux droits et le processus d’intégration des Roms vivant en bidonville ou en squats en France.
Quelques résultats positifs ont été notés à Toulouse où le 10 juillet les autorités locales et l’Etat ont démantelé le bidonville Ginestous[2] à la suite d’une décision de justice et respectant les obligations prévues par la circulaire de 26 août 2012. Lors de cette opération conjointe des autorités locales, de l’Etat et de la société civile, 165 sur le total de 350 personnes expulsées se sont vues proposées une solution de relogement ou d’hébergement par l’Etat ou la mairie. De plus, des engagements spécifiques ont été pris par la mairie afin de faciliter l’inclusion sociale de 119 personnes, dont 40 mineurs dans le domaine du logement, de l’éducation et de l’emploi, en signant une convention d’occupation d’un lieu d’hébergement avec les familles[3]. A cela, s’ajoute 117 personnes dites Gens de voyage, qui ont été dirigées vers une aire d’accueil, mais cette offre a été déclinée par les personnes concernées, estimant que cette solution ne correspondait pas à leurs besoins de relogement. Cet exemple montre qu’une résorption des bidonvilles, à travers une approche socialement responsable, et des solutions de relogement pérennes pour les personnes expulsées sont possibles lorsqu’il y a une volonté politique et une coopération entre les autorités locales et l’Etat pour faciliter l’intégration des familles roms précaires dans la société française. Néanmoins, ces mesures restent des cas isolés vu que la grande majorité des expulsions sont menées sans qu’il y ait des solutions durables pour favoriser l’accès au logement et permettre aux familles roms précaires de combattre le mal-logement, la pauvreté et l’exclusion sociale.
Les résultats du troisième trimestre ont montré que 24 terrains faisant l’objet d’une opération d’évacuation étaient publics contre 8 terrains qui étaient des propriétés privées. Le recensement[4] récent de la DIHAL, relatif aux campements illicites, grands squats et bidonvilles, a démontré une répartition presque égale entre lieux de vie situés sur des terrains publics (51%) et ceux qui ont été établis dans des terrains privés (48%). Le niveau élevé des évacuations de lieux de vie situés sur des terrains publics montre le manque de volonté politique de la part des autorités pour intégrer ces familles roms vivant en France depuis plusieurs années comme l’a montré le recensement[5] de la DIHAL. Par ailleurs, cinq projets construction/aménagement ont été recensés pendant le troisième trimestre justifiant une expulsion rapide des habitants.
Les résultats indiquent, comme dans les trimestres précédents, que la région Île-de-France est au cœur des opérations menées et concentre la majorité des personnes expulsées avec 76 % du nombre total recensé entre juillet et septembre 2017. En plus, les 19 opérations enregistrées dans cette région touchent à plus de 50% des 6000 personnes vivant en bidonvilles, campements et squats recensées par la DIHAL en 2017 alors que le recensement de la DIHAL indique que 38%[6] du nombre total des personnes vivant en bidonvilles, squats et campements sont situées en Île-de-France.
Le reste des expulsions se répartit entre la région Hauts-de-France (8%), PACA (7%), suivie par les régions Occitanie (5%) et Auvergne-Rhône-Alpes (4%).
Remarque :
Ce recensement est le fruit d’un travail commun entre la Ligue des droits de l’Homme (LDH) et le European Roma Rights Centre (ERRC), avec le soutien du Collectif national droits de l’Homme Romeurope. Sans avoir la prétention à l’exhaustivité de la situation étant donné le manque de données officielles disponibles, ce recensement voudrait cependant en être l’expression la plus objective possible.
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Version anglaise du recensement disponible sur ici et site du ERRC : www.errc.org
[2] Mairie de Toulouse, communiqué de presse, 10 juillet 2017.
[3] Lettre d’information DIHAL, juillet/août 2017.
[4] Etat des lieux national des campements illicites, grands squats et bidonvilles – DIHAL, avril 2017.
[5] Depuis 2012 le nombre de personnes vivant en campements/bidonvilles/squats restent stable (entre 15 000 et 20 000 personnes), Source DIHAL.
[6] DIHAL, Etat des lieux national des campements illicites, grands squats et bidonvilles, avril 2017 (9e édition).