Droits sociaux : le socle s’effrite déjà…
Bruxelles, 23 novembre 2017
- Le 17 novembre 2017, à Göteborg, les Présidents de la Commission européenne, du Conseil européen et du Parlement européen ont signé ensemble la proclamation interinstitutionnelle sur le socle européen des droits sociaux. L’Association européenne pour la défense des Droits de l’Homme (AEDH) se félicite bien évidemment du fait que les droits sociaux soient enfin sous les feux des projecteurs. Ce socle social et les 20 principes qui le composent sont primordiaux pour renforcer la structure européenne.
Toutefois si la volonté affichée par la Commission européenne et son Président de créer un socle des droits sociaux est séduisante et véritablement attendue par l’ensemble des citoyennes et des citoyens européen-ne-s, l’AEDH rappelle qu’il faut prendre gare à ne pas être ébloui par le faste accompagnant l’inauguration du Socle européen des droits sociaux mais rester vigilant quant à la réelle solidité de ce socle. A peine proclamé, celle-ci semble déjà bien relative et il est difficile d'envisager de réels changements dans une telle configuration. En adoptant une proclamation sans caractère contraignant, les chefs d'Etat et de gouvernements ont cherché l'unanimité et ont réussi certes à intégrer les Etats membres qui refusaient de s’engager sur le plan social mais à quel prix ? Un texte non contraignant n'aura pas véritablement la capacité d’engendrer de réelles avancées. A regret, l’AEDH considère qu'on peut légitimement en douter. Si cette proclamation apparaît comme interinstitutionnelle et devrait engager l’Union européenne à respecter ce socle dans ses politiques futures, elle est en fait soigneusement bornée par le marchandage auquel se sont livré les Etats membres pendant le conseil. Ce fut la victoire de l'unité de façade pas celle des droits sociaux.
Pour gagner, il eut fallu un tout autre élan. Car, l’AEDH rappelle qu’au final les États membres restent maîtres de leur politique sociale qui ne fait pas partie des dispositions du Traité de l'Union européenne. On en trouve la preuve dans certaines déclarations qui laissent penser que l’heure est toujours au « moins disant social ». Ainsi au cours de cette journée que la Commission européenne voulait fondatrice d'un nouvelle démarche, Victor Orbán a clairement fait comprendre qu'il avait signé un chiffon de papier qui n'empêchera pas son pays la Hongrie de faire exactement comme avant pour ne pas changer son modèle social. De même, Lars Løkke Rasmussen, Premier Ministre du Danemark a déclaré que « le socle social ne devait créer aucun nouveau droit ou obligations juridiques ».
Selon Jean-Claude Juncker, le socle « n’est pas un poème, mais un programme ». Mais qu'est-ce qu'un programme sans moyens d'action si ce n'est de la littérature ? L’AEDH demande à ce qu’un plan d’action avec des objectifs, indicateurs et calendriers clairement définis soit mis en place dans les plus brefs délais afin que des droits concrets émergent du Sommet de Göteborg.
Afin de contrebalancer les politiques économiques qui font l’objet de réglementations contraignantes au niveau européen, les politiques sociales devraient faire l’objet de procédures de même nature. L'économique et le social doivent aller de pair, sur un pied d’égalité !
Pour que le caractère historique de cette journée ne soit pas qu'un simple élément de langage prononcé par les dirigeants des Etats membres, il faudra bien que l’Union européenne fasse de ces droits sociaux un programme pour tous. Sans ce ciment social qui lui fait tant défaut, socle ou pas socle, c’est une construction de 67 ans qui va inéluctablement continuer à s’effriter.