Mineurs sans protection dans les rues d’Angers : qui est responsable ?
Quand des parents laissent leurs enfants mineurs à la rue, très justement nous nous indignons. C’est pourtant ce que fait régulièrement le conseil départemental (CD) depuis plus d’un mois.
Précisons : tout mineur non accompagné dont on ne peut joindre ni les parents, ni les tuteurs doit être pris en charge par le CD du département, qu’il soit étranger ou non. C’est explicitement dans ses attributions légales. De fait, dès qu’il est saisi, le président du CD, en l’occurrence M Gillet, devient le tuteur de ces jeunes, en attendant l’évaluation de leur situation.
Cet été des mineurs, pour la plupart originaires de pays d’Afrique, se sont présentés au guichet du CD. On y a noté leur identité, leur date de naissance et quelques renseignements sur leur parcours. Certains ont été pris en charge aussitôt dans l’attente de l’évaluation de leur situation, mais de nombreux autres ont été remis à le rue directement ou après une ou deux nuits d’hôtel. Sur quels critères ce tri illégal se fait-il au guichet ?
M Gillet interpelle l’État avant d’assumer ses devoirs
C’est bien son droit d’interpeller l’État (voir plus bas l’article du Courrier de l'Ouest) afin d’obtenir les moyens financiers pour faire face à l’afflux important de mineurs étrangers non accompagnés cet été sur Angers. Mais cela ne le dédouane en rien de son devoir de les protéger immédiatement, sinon il se met clairement dans l’illégalité.
M Gillet n’a pas hésité à saisir la justice pour mettre à la rue des familles entières qui occupaient un squat, propriété du CD, faisant ainsi prévaloir le droit de propriété sur le droit au logement. Persistera-t-il à se mettre lui-même hors la loi en n’assumant pas ses obligations vis-à-vis des mineurs ?
En Isère, le CD a saisi le Conseil d’Etat en référé pour faire annuler une ordonnance du Tribunal administratif de Grenoble lui enjoignant d’admettre un mineur étranger non accompagné à l’aide sociale à l’enfance au titre de l’accueil provisoire d’urgence et d’en aviser immédiatement le procureur de la République. Le Conseil d’Etat a réfuté l’argument financier du département et a rejeté la demande du CD de l’Isère Voici un court extrait très explicite de l’ordonnance du Conseil d’État :
« Toutefois, si le département fait état d’une augmentation sensible des moyens consacrés en 2017 à cette mission […] n’apporte pas d’élément permettant d’établir que l’augmentation de ces capacités d’hébergement et l’accélération des procédures d’évaluation, en vue de respecter les obligations qui pèsent sur elle en application des articles L. 223-2 et R. 221-1 du code de l’action sociale et des familles, excèderait ses moyens dans une mesure qui justifierait son refus d’exercer cette responsabilité, alors d’ailleurs que le coût des cinq premiers jours de prise en charge et d’évaluation de chaque mineur lui est remboursé par le Fonds national de la protection de l’enfance. Il en résulte que le département n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que par l’ordonnance attaquée, qui est suffisamment motivée, le juge des référés a estimé que le refus opposé à M. A...portait une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. » (lire l’intégralité de l’ordonnance n°413549 du 25/08/2017 ici). |
La LDH, le Secours Catholique et la Cimade
demandent l’application de la loi
Les associations ont rencontré certains des mineurs non pris en charge par le conseil départemental. Certains d’entre eux se font renvoyer de rendez-vous en rendez-vous pour une évaluation qui pourrait avoir lieu plus d’un mois après leur premier passage au guichet. En attendant ils doivent se débrouiller seuls dans une ville qu’ils ne connaissent pas : où dormir ? où se nourrir ? où se laver ? où se soigner ? où s’inscrire pour étudier ?
Quelques particuliers en ont pris chez eux, d’autres ont rejoint un grenier dans un squat, d’autres n’ont que la rue et ont peur d’être agressés : tous ceux que nous avons rencontrés devraient légitimement être pris en charge au moins jusqu’à l’issue de leur évaluation qui seule permettrait une orientation adaptée.
Ne pouvant accepter l’intolérable, nous avons décidé collectivement et avec le soutien de citoyens impliqués d’aider ces mineurs à faire valoir leur droit.