La maire de Calais ne peut plus empêcher les migrant.e.s de se nourrir !
C’est ce que vient de lui rappeler assez sèchement le juge des référés du tribunal administratif de Lille.
Ce n’est pas faute pour Natacha Bouchart de s’être démenée pour compliquer par tous les moyens la vie des associations qui reprennent inlassablement les distributions de nourriture aux centaines d’exilé.e.s qui continuent de passer par Calais.
Ce fut d’abord une décision du 7 février s’opposant à l’ouverture de nouveaux lieux de distribution de repas. Ce furent ensuite deux arrêtés successifs, des 2 et 6 mars, « portant interdiction des occupations abusives, prolongées et répétées » des différents lieux où s’organisaient ces distributions. Ce fut encore l’annonce par la maire qu’elle prendrait de nouveaux arrêtés chaque fois que ces « occupations abusives » se déplaceraient. Et ce fut enfin la nouvelle décision du 9 mars rejetant la demande de plusieurs associations d’être autorisées à occuper un lieu de la zone industrielle des Dunes pour y poursuivre leurs activités de distribution de vivres.
Et pour faire bonne mesure, Madame Bouchart allait jusqu’à invoquer l’état d’urgence, entre autres arguments choc, considérant sans doute qu’il l’autoriserait à mettre entre parenthèses les principes fondamentaux de respect de la dignité de la personne humaine et de non-discrimination. Le procureur de la République et le préfet semblent d’ailleurs avoir épousé le même point de vue, le premier distribuant généreusement les réquisitions aux fins de contrôles d’identité dont les forces de l’ordre abusent à l’égard des exilé.e.s, militant.e.s et bénévoles, et le second organisant le blocage par les mêmes forces de l’ordre des rues où se tiennent les distributions.
En affamant les migrant.e.s, l’objectif affiché par la maire, activement soutenu par ces représentants des pouvoirs publics, était donc de faire place nette, d’empêcher la création de ce qu’elle appelle joliment des « points de fixation » et de faire croire ainsi que la grande opération d’évacuation « humanitaire » avait suffi à empêcher les exilé.e.s de continuer de faire route vers la Grande-Bretagne.
C’est pour rappeler ce petit monde à l’ordre que onze associations, dont le Gisti, ont saisi le juge des référés pour lui demander de suspendre l’exécution des décisions de la maire. Ces décisions sont d’autant plus graves qu’elles émanent de l’autorité tenue d’assurer le respect de la dignité humaine sur son territoire et, dans ce cadre, de tenir compte des besoins élémentaires des personnes sans abri qui s’y trouvent lorsqu’ils ne sont pas suffisamment pris en compte par les services publics.
« Considérant que, par les décisions attaquées, la maire de Calais a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’aller et venir, à la liberté de réunion et, en faisant obstacle à la satisfaction par les migrants de besoins élémentaires vitaux au droit à ne pas subir des traitements inhumains et dégradants consacré par l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales », le juge a reçu cinq sur cinq les demandes de ces associations, suspendant jusqu’à nouvel ordre l’exécution de ces arrêtés et de ces décisions interdisant la distribution de repas.
Fallait-il vraiment un juge pour dire qu’il n’est pas admissible d’empêcher les exilé.e.s de se nourrir et les associations de pourvoir à ces besoins élémentaires ?
Paris, le 23 mars 2017