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A l'instar des veilleurs de Rouchy (voir reportage), des bénévoles, notamment de l'association Le Cercle 49 (voir article), développent des actions solidaires avec les demandeurs d'asiles et sans-papiers du squat du Château de Moulinsart (Voir article).

Ouest-France de ce 10 Août publie un reportage de Toni Fabri

La solidarité à Moulinsart

"On ne sait jamais combien on sera à table"

Des Angevins se réunissent tous les mercredis de l'été, au squat de la rue des Ponts-de-Cé, pour passer la soirée avec les jeunes migrants qui s'y abritent. De quoi remplir les ventres et les cœurs.

«  Tu parles français, garçon ? », interroge Fred. « Un petit peu ››, murmure Alpha. « Il faut bien repérer ton pied de patates avant de planter ta fourche ››, lui glisse alors l'Angevin de 49 ans. Le jeune Guinéen s'e×écute. Avant de plonger sa main dans la terre asséchée de ce terrain en friche, toisé au loin par les barres d'immeubles du quartier Orgemont. Épaulés par quelques philanthropes, les demandeurs d'asiles y ont aménagé un petit jardin. Avec des tomates et des pommes de terre qu'ils arrosent quand ils peuvent.
Ce mercredi-là, la récolte est plutôt bonne. Le cageot se remplit vite. «  Allez, à la peluch’ », lance Marc, de l'association Le Cercle 49. Direction une ancienne usine de traitement de graines, prés de là. L'un des entrepôts en tôle sert de pièce à vivre à une dizaine de migrants originaires d'Afrique subsaharienne. Ce refuge de fortune est adossé à une autre bâtisse, rebaptisée « château de Moulinsart ››, où s'abritent également plusieurs dizaines de demandeurs d'asiles, somaliens pour la plupart.

« Ça fait plaisir qu'on s'occupe de nous ››

Situé rue des Ponts-de-Cé, l'endroit a été « réquisitionné ›› pour ces voyageurs sans boussole, en février dernier. Tous sont sous la menace d'une expulsion prononcée en mai par le tribunal d'instance. L'huissier ne serait pas encore passé mais c'est « comme une épée de Damoclès ››, s'inquiète Marc.
Pour leur faire oublier leur quotidien, cet enseignant de 57 ans et toute sa bande organisent les « beaux mercredis de l'été ››, depuis début juillet. Une façon aussi, d'entretenir la solidarité quand celle-ci a tendance à s’étioler pendant les grandes vacances.
Chaque semaine, ils se réunissent en fin d’après-midi avec les demandeurs d'asile qui le souhaitent, pour préparer le repas et faire bombance. Avec les victuailles du jardin et les denrées apportées par les bénévoles.
« Ce soir, c'est moules frites  ››, annonce Marc, en soupesant un gros sac de ces mollusques dorés. Alpha se propose volontiers pour éplucher les pommes de terre. Il fait partie de la poignée de jeunes migrants qui participent chaque mercredi.
« Ça fait plaisir qu'on s'occupe de nous comme ça », confie, timidement le garçon. Il est arrivé au début de l’année a Angers, après un long périple depuis sa Guinée Conakry natale.
Comme beaucoup de ses compagnons d'infortune, il ne peut plus compter sur l'aide du Département, qui ne le considère pas mineur. Lui affirme être né en 2000. Résultat : il dort sur un matelas vert, posé au sol. À quelques mètres de la marmite au-dessus de laquelle il s'applique ce soir là avec son économe.
Les pelures s'amoncellent et le stock de frites grossit. Il est 19 h 30, on va bientôt passer à table dans le hangar désaffecté. Dehors, de jeunes Ivoiriens et Maliens tapent la balle pendant la cuisson. Un groupe de bénévoles arrive en voiture de la zone à défendre (ZAD) de Notre Dame des Landes (Loire-Atlantique) avec des bottes de paille pour s'ajouter à la tablée. « On ne sait jamais combien on sera à table, mais on sait qu'il y aura toujours du monde à manger ››, plaisante Marc, petites lunettes rondes. Cette fois ils seront vingt et un, dont six demandeurs d'asile.
Après le gâteau aux fruits en dessert, ils regarderont tous ensemble un film pour terminer cette quatrième soirée de l'été. Ce mercredi là, Marc, qui s'occupe aussi de la projection, a opté pour un film muet : La ruée vers l’or, de Charlie Chaplin. « Un migrant célèbre, sourit-il. Et puis la ruée vers l'or, c'est un peu à l'image de la quête de tous ces jeunes ici »

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