Au-revoir à un ardent défenseur de la cause des plus faibles, Pierre-Jean Bourdon

Photo Ouest France 20/02/2016

Témoignages

"J'ai connu Pierre-Jean début des années 70 à la fac de droit.

Il était ce qu'il est resté toute sa vie : un défenseur de la cause des plus faibles. Le combat est sans fin ; l'énergie de Pierre -Jean semblait inépuisable.

A cette époque Pierre-Jean était maçon sur les chantiers, étudiant à la fac et je dirai : révolutionnaire.

Ce mot de révolutionnaire je l'emploie moins en référence à une idéologie qu'à un feu qui embrasait toute la personne de Pierre-Jean, toute son existence. Chez lui je ne sentais pas cette part de comédie qui rend tant de paroles vaines, creuses".

Jean-Pierre Bougnoux, avocat au barreau d'Angers, membre du bureau de la LDH49

"Au-delà du discours, Pierre-Jean.

Tu en auras rendu furieux, révolté, dégoûté. Oui, combien sont sortis de la salle des discussions en claquant la porte et ne sont pas revenus ? Combien ont quitté la réunion et sont revenus ?

Toi, tu continuais à faire ton devoir d'humain en grommelant, en fulminant, en fumant ensuite pour calmer tes colères et sans doute tes blessures, ta blessure.

Les traces que tu laisses sont profondes. Tu as ouvert les chemins, au-delà des mots et des idéologies. Tu disais d'ailleurs que l'on ignorait le vrai sens du terme. Electron libre, tu ne te reconnaissais nulle part et on te l'a bien rendu. Certains ricanaient à ton nom, refusant l'image que tu renvoyais des militants dans les clous, toi qui étais toujours dans les marges et dans l'espoir d'un monde enfin juste. Il a bien fallu reconnaître que c'est toi qui, inlassablement, montrais la route en accueillant l'étranger, tous les étrangers et dans tout le sens de l'hospitalité. Avec toi, on allait jusqu'au bout, de l'accueil concret et quotidien au soutien juridique. Grâce à toi, on levait le voile sur le double discours de l'administration, des élus , on découvrait les gaietés de la justice française à la préfecture, au tribunal correctionnel. Grâce à toi, au-delà des nombreuses manifestations en faveur des migrants, les squats s'ouvraient malgré les interdictions, les procès, les expulsions. On ne peut énumérer tous les lieux où le Collectif de Soutien Aux Sans Papiers avec toi a permis aux Africains, aux gens venus de l'Est de l'Europe, aux Tchétchènes, aux Roms et à bien d'autres de se s'abriter : à Angers, Au Ponts de Cé. Tu as été l'ailleurs où l'on se ressource, toi qui allais au contact des autres : à Angers, à Paris, à Rennes, à Calais, en Afrique..

L'accompagnement par tes amis de ton agonie est la preuve irréfutable que tu as semé. Tu as été entendu, que ton œuvre se poursuivra.

Dis-nous, poussière d'étoile : « Que peut -on souhaiter mieux ? »."

Catherine Caillé-Coutant

Merci à l'homme libre

7 NOV. 2017 — Comment ne pas parler de notre lutte au campement des expulsé-e-s sans parler de notre ami, notre frère, Pierre Jean Bourdon ?
Nous disons au revoir au grand monsieur dit « PJ » qui a été celui qui nous soutenait et nous défendait. Et quand il le pouvait, il essayait de répondre à nos inquiétudes.
La semaine dernière, à l’hôpital, un d’entre nous lui a dit merci pour tout ce qu’il a fait. Ne pouvant plus parler, il nous a écrit sur un bout de papier : « C’est moi qui vous remercie pour votre amitié et pour votre dignité ! ».

Son expérience a été force de soutien mais aussi force de résistance. Il a mis en lien des groupes de personnes pour nous aider. Surtout, il nous a mis en lien avec d’autres humain-e-s qui subissent les mêmes conditions et les mêmes inégalités que nous. L’une d’entre nous se souvient en 2008 de ce village sans frontières qu’était le squat (auto-réquisition) de la rue Lionnaise à Angers. Pierre Jean était là partout à tout faire. Plus d’un an après, il était toujours là face aux CRS à 6h45 du matin quand certaines de nos familles se faisaient expulser près du lycée Jean Moulin. Cet été, malgré sa maladie, il était encore là à nos côtés au campement. Sa présence va nous manquer.
Nous nous souviendrons de Pierre Jean à chaque approche d’expulsions que ce soit celles en vu contre les habitants de la Rromanerie, de la Rose, ou d’ailleurs, bien au-delà de notre solidarité.
Nous nous souviendrons de PJ, Jeudi 09 novembre 2017 à 15h45, à ses obsèques au crématorium de Montreuil Juigné (49), pour lui rendre hommage.
Nous nous souviendrons de PJ, Vendredi 10 novembre 2017 à 9h15 au tribunal d’instance de Coubertin à Angers, où nous serons rassemblés à l’extérieur, pour l’audience de notre recours contre notre expulsion sans délai.
Nous nous rassemblerons tous pour PJ, Samedi 11 novembre 2017, à 15h00, devant chez lui, au quartier Savary à Angers.
Nous n’oublierons pas la valeur de cet homme. C’était un « homme libre », comme nous.

Pas Sans Nous 49

Les familles du campement des expulsé-e_s

Ouest France 05/11/2017

Courrier de l'Ouest 05/11/2017