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Publié par LDH49

Décidément ce projet très contesté à juste titre a essuyé les critiques du conseil d’Etat le 15 février dernier. C’est ce que nous révèle Maryline Baumard dans un article du Monde daté du 20 février.

Voici son analyse :

Projet de loi asile : un texte qui fait quasiment l’unanimité contre lui

Selon l’avis du Conseil d’Etat, la France n’avait pas besoin d’un nouveau projet deux ans après la promulgation de la précédente loi.

LE MONDE | 20.02.2018 à 11h52 • Mis à jour le 20.02.2018 à 12h06 | Par Maryline Baumard

C’est devenu la « loi Collomb ». Officiellement baptisé projet de loi « pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif », le texte qui doit remplacer la loi du 7 mars 2016 doit être présenté en conseil des ministres mercredi 21 février, traînant dans son sillage une large vague d’émotion et protestations contre ses 38 articles qui visent à resserrer la procédure d’asile et améliorer les éloignements. A ceux qui estimaient qu’il ne manquait qu’une réserve du très sage Conseil d’Etat pour couronner le tout… La voilà.

Issu de la séance du 15 février, l’avis non public, que Le Monde s’est procuré, montre que le juge administratif suprême remet en cause l’opportunité même d’un nouveau texte à peine deux ans après la promulgation de la précédente loi. Les juges regrettent en effet que le projet « ne peut même pas s’appuyer sur une année entière d’exécution de certaines des mesures issues de la loi du 7 mars 2016 qu’avait précédée la loi du 29 juillet 2015 » et déplorent que« s’emparer d’un sujet aussi complexe à d’aussi brefs intervalles rend la tâche des services chargés de leur exécution plus difficile, diminue sensiblement la lisibilité du dispositif ».

Non seulement le projet de loi Collomb est prématuré, mais son contenu ne satisfait pas tout à fait aux exigences de l’instance administrative qui « aurait souhaité trouver dans le contenu du texte (…) le reflet d’une stratégie publique éclairée par l’exacte mesure des défis à relever et sur des choix structurants orientant les services publics vers un exercice plus efficace de leur mission ». Dimension qui fait défaut, comme la simplification escomptée du droit des étrangers, « à laquelle le projet de loi, loin de remédier, ne fait qu’ajouter des couches supplémentaires », note le Conseil.

« Surjouée par le gouvernement »

Si le compte n’y est vraiment pas pour cette instance administrative qui a vocation à éclairer le gouvernement ; il ne l’est pas non plus pour l’opposition de droite. Le député Les Républicains (LR) Guillaume Larrivé estime « la loi Collomb surjouée par le gouvernement » alors qu’« en réalité, elle se limite à des micro-ajustements technocratiques : allonger un délai ici, réduire un délai là ».

Une analyse partagée par François-Noël Buffet pour qui c’est « un texte très technique ». Le sénateur du Rhône regrette de « ne pas y trouver l’essentiel, à savoir un traitement efficace de l’immigration irrégulière et une vraie stratégie en matière d’intégration des étrangers que la France décide d’accueillir ». Sur ce dernier point, Edouard Philippe s’est engagé, lundi 19 février, à autoriser les demandeurs d’asile à travailler six mois après leur demande de protection. Cette proposition phare du rapport du député LRM Aurélien Taché pour favoriser l’intégration des immigrés devrait être reprise lors du débat parlementaire sur le projet de loi asile.

Sur le traitement de la demande d’asile, les rapporteurs et avocats de la Cour nationale du droit d’asile voient, eux, une régression. Ils feront entendre cette opposition enchaînant un huitième jour de grève, mercredi 21, et seront rejoints pour cette journée symbolique par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides qui n’avait pas connu d’arrêt de travail depuis sept ans. « L’asile en danger » est aussi le titre de la protestation écrite de la Coordination française pour le droit d’asile et ses dix-sept acteurs majeurs du secteur de l’aide aux étrangers.

Un hiatus

Face à ce mouvement d’inquiétude auquel le barreau de Paris comme le Syndicat des avocats de France s’associent, l’exécutif fait bloc, répétant à l’envi que son texte est « équilibré ». Le premier ministre a pourtant déjà été obligé de jouer les démineurs depuis qu’en décembre une bonne partie du monde associatif a claqué la porte de la Place Beauvau sur la politique de gestion des étrangers. Hier encore, Edouard Philippe a dû peser de son poids institutionnel, se faisant remettre le rapport du député La République en marche (LRM) Aurélien Taché sur l’intégration, même si tout avait été pensé pour que le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, en soit le destinataire. Il s’agissait pour Matignon de donner un signe d’intérêt pour le volet « intégration » à l’heure où M. Collomb est désormais assimilé au « tout-répressif » contre les demandeurs d’asile, à l’œuvre à Calais, Nice, Paris.

Symboliquement d’ailleurs, à l’heure où l’ensemble des ministres prendront connaissance du contenu de cette future loi, deux avocats plaideront à Nice le cas de vingt mineurs étrangers « refoulés samedi et dimanche à la frontière italienne en violation de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant », comme le rappellent les associations (Cimade, Amnesty, Médecins sans frontières) qui ont été témoins de ces faits. Une synchronisation pour montrer le hiatus entre la communication gouvernementale et les faits, marquer la colère associative, aussi… même si cet univers n’est pas le seul à s’émouvoir.

Difficile de préjuger de ce qui se passera dans l’Hémicycle en avril, lors de la discussion sur ce projet de loi, mais la tension, montée de quelques crans la semaine dernière avec la demande expresse aux députés de la majorité de ne pas amender le texte sur l’enfermement des « dublinés », n’est pas tout à fait retombée.

Quelques députés de la majorité, à l’instar de Sonia Krimi, avouent être « sortie un peu déçue de devoir voter en urgence » sur un sujet aussi important que la privation de liberté de demandeurs d’asile.

« Sur la loi, promet la députée de Cherbourg (Manche), je ferai mon travail de parlementaire et j’amenderai. J’entends le ministre lorsqu’il nous explique qu’il faut regarder l’état de l’opinion. C’est normal à la place où il est. Mais moi je suis parlementaire, pas ministre. »

Même son de cloche de la part de Martine Wonner, députée LRM de Bas-Rhin, qui précise rester « confiante dans ce gouvernement » et attendre la deuxième visite d’« évangélisation » de M. Collomb. « La première fois, il est venu nous expliquer la politique du gouvernement. Quand il va revenir, nous allons échanger, ce qui est très différent », prévient l’élue qui a postulé pour être rapporteuse pour avis de ce texte au sein de la commission des affaires sociales.

« Ce texte est nécessaire »

La rapporteuse du texte, Elise Fajgeles, compte sur le mois d’auditions qui va s’ouvrir avant la discussion. « Ce texte est nécessaire, estime-t-elle, parce que nous voyons dans nos circonscriptions que les choses ne se passent pas bien sur le terrain en matière de premier accueil. Il y a des blocages. Nous devons aborder tout cela le plus sereinement et nous, parlementaires, avons un sens du réel et pouvons apporter des contre-propositions constructives au gouvernement », insiste-t-elle dans ce climat houleux.

En fait, ce texte avant d’être pragmatique est hautement politique, et s’adresse directement à l’opinion publique, alors qu’Emmanuel Macron vient de perdre 6 points dans le dernier baromètre IFOP (17 février) et que sa politique en matière d’immigrés était jugée « trop laxiste » par 66 % des Français dans un sondage diffusé le 18 janvier par BFM-TV (enquête Elabe). Jugée inutile par le Conseil d’Etat, la loi Collomb a une fonction politique d’affichage, avant de viser à améliorer les situations de terrain.

Fin connaisseur du système, Laurent Giovannoni, du secteur accueil et droits des étrangers au Secours catholique, estime surtout que ce texte, « dépourvu de tout pragmatisme, va exclure des milliers de personnes de tout dispositif de protection. Plus d’exclusions, donc plus de précarité : elle va créer encore plus de désordre social ». C’est à ses yeux « une loi inutile et dangereuse » ou, en tout cas, un texte qui rallie massivement et de tous horizons contre lui.

 

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