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Publié par LDH49

Monsieur le Premier ministre,

Nous nous sommes vus le 29 novembre dernier pour évoquer la mise en œuvre d'une nouvelle politique du logement. A cette occasion, nous vous avons rappelé la nécessité de concilier les transformations structurelles nécessaires à l’accès au logement des personnes les plus en difficulté et le traitement des urgences les plus criantes par des solutions dignes favorisant l’insertion.

Nous avons pris acte de la mission que vous avez confiée à François Chérèque, afin d’établir un suivi des avancées du plan quinquennal. Néanmoins, nous avons quelques sujets d’inquiétude que nous souhaitons partager avec vous à propos des orientations qui se font jour concernant le volet hébergement/logement. En outre, nous voulons vous alerter sur le fait que nous constatons que la situation des plus fragiles de notre pays n’a toujours pas changé, malgré des objectifs positifs que nous partageons (produire 150 000 logements sociaux par an, relever la loi SRU à 25%, encadrer les loyers dans le parc privé, mobiliser les logements vacants, la baisse de la TVA à 5% pour la construction et la rénovation de logements sociaux ). En effet, les conséquences de la crise économique et sociale d'une longueur sans précédent touchent de plein fouet les plus vulnérables comme en attestent l’augmentation de la pauvreté (8,6 millions de personnes pauvres en 2010), du chômage (près de 5 millions toutes catégories confondues, hausse ininterrompue depuis 5 ans), des emplois précaires (12,3% des emplois salariés ).

Concernant la prévention, le gouvernement n’a pas donné suite a la demande du collectif d’un moratoire sur les expulsions locatives en 2013 alors que ces opérations menées avec le concours de la force publique ont atteint un triste record (12759 expulsions en 2011, doublement en dix ans), jetant des milliers d’individus et familles dans des situations dramatiques. Nous avons pris acte de la circulaire du 26 octobre 2012 protégeant des expulsions locatives les personnes dont le relogement a été reconnu prioritaire et urgent par la mise en œuvre du droit au logement opposable (DALO). Mais qu’en est-il du sort des autres ménages, eux aussi menacés d’expulsion, qui n’ont pas déposé de recours ou reçu une réponse à ce dernier ? Il est impératif de développer la prévention de toutes les expulsions, qui reste à ce stade, malgré des mesures annoncées dans la future loi, la grande oubliée du plan quinquennal : nous savons que le gouvernement travaille à la conception d’une garantie universelle des risques locatifs, cependant cette garantie doit être pensée en lien avec une réelle politique de prévention des expulsions (et ses acteurs), et avec l’encadrement, voire la baisse des loyers, sans quoi elle ne saurait être efficiente.

Cette garantie doit aussi fonctionner de pair avec une meilleure efficacité des aides au logement (rapidité et réactivité dans le traitement des demandes et versements, rétroactivité, maintien des aides au logement en cas d’impayés, ne pas récupérer d’autres indus sur ces aides). Aussi, nous sommes attachés à ce que certains grands principes soient pris en compte dans la conception de la garantie universelle des risques locatifs. Elle devrait permettre l’accès et le maintien dans le logement et de lutter contre la vacance. Sans limitation de durée, elle devrait s’appliquer de manière obligatoire à tous les ménages et à tous les parcs de logements à condition qu’ils soient décents et reposer sur un système mutualiste et solidaire : tous les propriétaires et locataires y contribueraient en fonction de leurs ressources ainsi que l’Etat et Action logement. Elle couvrirait les impayés de loyers, mais également les dégradations du logement, les frais de procédure, de contentieux et de gestion du recouvrement. Elle pourrait aussi garantir le paiement du loyer en cas d’accidents de la vie (décès du conjoint, incapacité de travail, chômage, séparation) lorsque la baisse de revenu n’est pas suffisamment couverte par les autres dispositifs assurantiels pour garantir le paiement du loyer.

Autre sujet d’inquiétude, les expulsions de migrants vivant en squat, ou en bidonvilles continuent, brutalement et sans solution de relogement digne et pérenne comme cela a été le cas encore récemment dans les départements de l’Essonne, du Rhône, et de Seine Saint Denis. Et ce, malgré la circulaire interministérielle du 26 août 2012, le travail engagé par le délégué interministériel à l’hébergement et à l’accès au logement, et la concertation entre le gouvernement et les associations. Le gouvernement souhaite-t-il toujours mettre en place une politique nationale de résorption des bidonvilles ? Qu’en est-il aujourd’hui ?

Concernant l’hébergement, malgré les annonces répétées relatives à la sortie d’une gestion saisonnière de la grande exclusion, des centaines de places vont fermer dans les prochains mois sans que les personnes soient orientées vers des structures d’hébergement ou du logement pérennes, au détriment des principes d’accueil inconditionnel et de continuité de la prise en charge pourtant inscrits dans la loi. Face à l’explosion des demandes d’hébergement (+ 30 % au 115 sur un an) l’Etat répond principalement par une logique urgentiste de mise à l’abri sans accompagnement social et sans possibilité d’accès direct au logement. Les décisions de baisser en 2013 la dotation des CHRS au profit de places d’urgence (CHU) de mauvaise qualité, d’hébergements en hôtels pour les familles (alors même que la circulaire du 4 janvier 2013 insistait sur la qualité des places) ou de lancer des appels à projet « au rabais » (comme cela a été le cas par exemple dans les Hautes-Pyrénées pour des places d’urgence à 15 euros/jour et par personne) traduit une régression des conditions d’accueil et d’accompagnement des personnes aux antipodes de la doctrine du logement d’abord.

Les associations demandent de rendre effectif le droit à un accompagnement social gradué en fonction des besoins des personnes. Son accessibilité doit être possible pour toute personne en situation de détresse, quel que soit son statut administratif. Il doit être organisé sur les territoires dans le cadre de la réforme des PDALPD prévue dans le projet de loi sur le logement.

Comment se traduit l’orientation vers le logement ? L’urgence est privilégiée sans véritable lien avec le logement accompagné. Si nous saluons l’objectif ambitieux de créer 6500 places d’intermédiation locative, il nous semble étonnant que la possibilité d’un accès direct au logement de droit commun avec le recours, si nécessaire pour les ménages en ayant besoin, à un accompagnement ne soit pas envisagé. Par ailleurs, l’objectif de création de 500 places en pensions de famille nous semble faible au regard de l’objectif fixé à 15 000 places et du nombre de places actuellement existantes. Il nous semble nécessaire de fixer un objectif de création à 1 000 places par an pour les trois prochaines années (c’est-à-dire le niveau de création atteint en 2009 et 2010), à partir des besoins identifiés sur les territoires. Dès lors, la perspective d’une politique orientée résolument vers l’accès prioritaire au logement semble s’éloigner de jour en jour.

Concernant le logement, comme nous le disions en préambule de ce courrier, nous partageons globalement les objectifs. La baisse de la TVA à 5% pour la construction et la rénovation de logements sociaux (annoncée le 21 mars dernier par le Président de la République dans le plan d’investissement pour le logement) est une très bonne nouvelle que nous saluons, dans un contexte de forte baisse des mises en chantier (340 000 logements en 2012) et d’une nouvelle diminution annoncée en 2013. Néanmoins, nous souhaitons attirer votre attention sur le fait que cette baisse de la TVA doit s’appliquer à la maîtrise d’ouvrage d’insertion. En effet, développer une offre de logements à destination des plus vulnérables (logement accompagné, pensions de famille…) ou une offre locative adaptée pour des publics spécifiques (gens du voyage sédentaires) est une nécessité impérieuse quand l’offre nouvelle de logements sociaux est devenue inaccessible à de nombreux ménages fragilisés. Qu’en est-il du « super PLAI » annoncé depuis des mois par la ministre du logement ?

Au-delà, nous attachons la plus grande importance :

- à ce que soient réalisés les diagnostics à 360° sur toutes les situations de mal-logement, pour que
soient mis en concordance la nature des besoins et l’offre existante sur chaque territoire, et que
soient mis en œuvre des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens en concertation avec les
acteurs,
- à ce que le droit au logement soit constitutionnalisé, en élaborant une charte des droits sociaux et
économiques qui compléterait les grands principes déjà posés par le préambule de 1946 et dans
laquelle viendrait s’insérer le droit au logement.
Enfin concernant la gouvernance, les associations attendent une véritable conduite interministérielle de la politique de l'hébergement et du logement (Justice, Santé, Intérieur et Affaires sociales). Nous constatons notamment un manque d’articulation entre le dispositif AHI et DNA, les BOP 303 et 177, les HUDA/CADA et CHRS. Alors que les prix de journées en CADA sont en constante diminution depuis plusieurs années, ces centres sont sanctionnés financièrement lorsqu’ils accueillent des personnes déboutées du droit d’asile qui n’ont pas d’autres solutions de prise en charge.
En outre, les acteurs du secteur n’ont aucune visibilité sur l’affectation des crédits issus de la LFI et du CILE, par action et leur affectation par région. Ce manque de lisibilité concerne aussi le suivi des objectifs du plan quinquennal. En effet, nous aimerions savoir comment les propositions du rapport « pour un choc de solidarité en faveur sans-abri et mal-logés » seront reprises dans les différents projets de Loi, en particulier celui sur le logement. Concernant le projet de Loi relatif à la décentralisation, nous appelons à être vigilant quant à la capacité de l’Etat à rester garant de l’hébergement, de l’inconditionnalité de l’accueil et de la continuité de la prise en charge.

Veuillez agréer, Monsieur le Premier ministre, l’expression de notre très haute considération.

Le Collectif des associations unies pour une nouvelle politique publique du logement

Contacts presse

FNARS : Stéphane Delaunay 01 48 01 82 32 et Céline Figuière 01 48 01 82 06

Fondation Abbé Pierre : Mighelina Santonastaso : 01 55 56 37 45 / 06 23 25 93 79

Secours Catholique : Catherine Coutansais 01 45 49 73 40 et Djamila Aribi : 01 45 49 75/06 85 32 23 39

Les 34 associations du Collectif

Advocacy France

Association des Cités du Secours Catholique,

Association Nationale des Compagnons Bâtisseurs,

ATD Quart Monde,

Aurore,

Centre d’action sociale protestant (CASP)

Collectif Jeudi noir

Collectif Les Morts de la Rue,

Comité des Sans Logis

Croix-Rouge française,

Emmaüs France,

Emmaüs Solidarité,

Enfants de Don Quichotte,

Fédération d’aide à la santé mentale Croix marine

Fédération des Associations pour la Promotion et l'Insertion par le Logement (FAPIL),

Fédération de l’Entraide Protestante,

Fédération Française des Equipes Saint-Vincent,

Fédération des Pact,

Fédération nationale Habitat & Développement,

Fédération Nationale des Associations d’Accueil et de Réinsertion Sociale (FNARS),

Fédération Nationale des Associations Solidaires d’Action avec les Tsiganes et les Gens du voyage (FNASAT-Gens

du voyage),

Fondation Abbé Pierre,

Fondation de l’Armée du Salut,

France Terre d’Asile,

Habitat et Humanisme,

Les petits frères des Pauvres,

Ligue des Droits de l’Homme,

Médecins du Monde,

Secours Catholique,

Union Nationale des Amis et des Familles de Malades Psychiques (UNAFAM),

Union professionnelle du logement accompagné (UNAFO),

Union Nationale des Comités Locaux pour le Logement Autonome des Jeunes (UNCCLAJ)

Union Nationale pour l’Habitat des Jeunes (UNHAJ),

Union Nationale Interfédérale des Œuvres et Organismes Privés Sanitaires et Sociaux (UN

1

Taux le plus haut depuis 2011, selon l’observatoire des inégalités, note du 27 novembre 2012 « L’état de la précarité de l’emploi en France ».

2

(Décret n°2002-120 du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent pris pour l'application de l'article 187 de la

loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains).

Copie à :

Madame Cécile Duflot, ministre de l’Egalité des territoires et du logement, Monsieur Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, Monsieur

Claude Bartolone, président de l’Assemblée nationale, Monsieur Jean-Pierre Bel, président du Sénat, et aux parlementaires.

Pour toute information complémentaire :

Madame Florine Siganos, coordinatrice du Collectif des associations unies

01 55 56 37 46, Fsiganos@fondation-abbe-pierre.fr

IOPSS)

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