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Publié par Maryline BAUMARD (Le Monde)

Nous reproduisons ci-dessous un article de Maryline Baumard et Laurie Moniez, paru dans le Monde du 7 février

Le maire de la ville, Damien Carême, réclame davantage de moyens de l’Etat pour nourrir les migrants.

Une signature au bas d’un bail… Le coup de crayon serait anodin si ce contrat ne concernait pas une partie de l’ex-camp de migrants de Grande-Synthe (Nord). Le maire (EELV) Damien Carême, qui avait ouvert le premier espace humanitaire pour réfugiés de France, en mars 2016, vient de décider de garder jusqu’à l’été la ferme qu’il devait rendre à son propriétaire en ce début d’année. La prolongation de ce bail lui permet de maintenir au chaud la cinquantaine de Kurdes irakiens qui s’y sont installés, et lui laisse la possibilité de rouvrir un accueil pour les migrants sur sa commune, si le besoin s’en fait sentir.

« Après tout, estime l’élu, les sanitaires de l’ancien camp n’ont pas été incendiés, et cela permettrait aux réfugiés de se poser dans un endroit où ils pourraient planter des tentes, à défaut de reconstruire des cabanons en bois. » De l’ancien camp, dont les abris étaient partis en fumée en avril 2017, il reste en effet les cabanons communs et le corps de ferme.

Le maire de cette ville ouvrière de la banlieue de Dunkerque, très touchée par le chômage et la désindustrialisation, aimerait continuer à prouver qu’on peut accueillir dignement, et rappeler du même coup que l’accueil des réfugiés est possible s’il est organisé. « Quand il y a une connexion entre la population et les exilés, tout se passe bien », répète volontiers celui qui enchaîne les mandats municipaux depuis 2001.

 « Pas d’autre solution »

Bien avant la vague de froid, mi-décembre 2017, l’élu avait déjà ouvert une salle de sport pour mettre à l’abri « tous ceux qui étaient encore dehors ». « Ces exilés sont dans la ville, alors je ne vois pas [d’]autre solution que [celle] d’organiser leur accueil », explique le maire à ceux qui seraient tentés de lui opposer l’argument d’un potentiel appel d’air.

En décembre, la mairie et les associations se sont donc réunies pour faire le point sur les besoins, et la ville a prêté un gymnase pour une centaine de personnes. Aujourd’hui, ils sont 240 à l’intérieur, et plus de 1 400 ont accepté de partir, depuis octobre, vers des centres plus éloignés ouverts par la préfecture. Ne restent dehors que quelques irréductibles et la dizaine d’hommes qui ne sont plus autorisés à entrer dans le gymnase à la suite d’un mauvais comportement.

« Beaucoup d’hommes viennent ici reprendre des forces et n’ont pas forcément envie de rester en France », explique Akim Toualbia, coordinateur du dispositif de mise à l’abri et un des cinq employés municipaux affectés au suivi de ce public. Tous les soirs, il en voit partir quelques-uns pour tenter de passer en Angleterre via Calais ou la Belgique. En cas d’échec, ils reviennent au petit matin et réintègrent le lieu si leur place n’a pas été donnée à de nouveaux arrivants.

Damien Carême, qui pense déjà à la sortie du dispositif, assure que « le 31 mars, à la fin de la trêve hivernale, ces gens ne retourneront pas à la rue ou au Puythouck », un campement sauvage boueux où ils ont passé l’automne. Le maire, qui avait été reçu par le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, le 18 septembre 2017, s’était vu opposer une fin de non-recevoir face à toute velléité d’accueil organisé mais inconditionnel sur sa commune.

Faire d’abord, montrer ensuite

Avec l’ouverture du gymnase, l’Etat a accepté de prendre en charge la surveillance du lieu à travers une convention permettant l’accueil de 100 personnes, mais oubliant la nourriture. Ce qui déplaît à Damien Carême. « Allons-nous nous retrouver dans une inégalité de traitement vis-à-vis de Calais ? », interroge-t-il. « Je ne vois pas pourquoi les repas seraient pris en charge là-bas et pas ici », insiste celui qui se dit prêt à aller en justice s’il était victime de cette inégalité de traitement.

Le 16 janvier, le chef de l’Etat a annoncé que l’Etat allait prendre à sa charge et mettre en place une distribution de repas pour les quelque 700 migrants qui tentent de passer en Grande-Bretagne depuis Calais. D’une façon plus générale, l’élu déplore que le président de la République comme le ministre de l’intérieur « se déplacent là où ça ne va pas, comme à Calais il y a quinze jours, alors qu’ils devraient plutôt venir dans les communes où il n’y a pas de refus de l’accueil ».

Faire d’abord et montrer ensuite… Telle est la philosophie de l’élu, qui va réunir les 1er et 2 mars, pour une convention nationale accueil et migrations, tous les élus qui veulent peser. « Nous voulons arriver à un manifeste pour montrer qu’une autre politique est possible », annonce d’ores et déjà Damien Carême, à qui Anne Hidalgo (maire de Paris) et Eric Piolle (maire de Grenoble) ont déjà répondu présent.

Pendant ce temps, à 40 kilomètres de là, la ville de Calais retient toujours son souffle sur l’état de santé de quatre jeunes migrants érythréens blessés par une arme à feu jeudi 1er février. Les associations qui ont pallié les manques de l’Etat vivent mal les attaques présidentielles contre elles, comme celles de la maire Natacha Bouchart (LR).

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